“Mon histoire est folle, si on y réfléchit une seconde : comment commencer dans une MJC et arriver à l’Opéra de Paris !” résume Mehdi Kerkouche, aujourd’hui directeur d’un des 19 centres chorégraphiques nationaux. Résumé en 10 points d’une ascension météore.
Janet Jackson et la MJC
Mehdi Kerkouche, enfant turbulent, trouve son exutoire dans la danse et le chant, encouragé par sa mère. L’inscription à la chorale et à la danse, dès 6 ans, lui procure un bonheur absolu et l’artiste en herbe ne tarde pas à être remarqué par sa professeure de danse de la MJC de Suresnes, qui lui fait découvrir Janet Jackson. Aspirant à une carrière artistique, il abandonne l’école pour se consacrer à la danse. Il se souvient alors : « J’ai passé mon adolescence à reproduire les chorégraphies de Michaël Jackson et Madonna, tout en évoluant dans un melting pop musical entre le rap de mes frères et la musique arabe de ma mère. »
Kamel Ouali
Bien décidé à faire carrière, Medhi se donne 2 ans pour travailler avec Kamel Ouali, alors chorégraphe ultra médiatisé de la Star Ac’ et en pleine préparation de la comédie musicale Le Roi soleil. Il lui faudra moins de temps pour rejoindre le casting et y briller : « Je chantais tout le temps dans les coulisses et quand Christophe Maé s’est blessé, je me suis retrouvé à faire sa doublure… » Bluffé, Kamel Ouali lui confiera de nouveau un rôle dans son spectacle suivant : Cléopâtre. Il jouera le rôle de Ptolémée près de 200 fois, salué par les critiques et jamais remplacé. Sa carrière est lancée.
Démocratiser la danse
« Mon pari est de démocratiser encore plus la danse, de la rendre accessible à tous. » tel est le mantra de ce chorégraphe qui dès ses débuts s’est illustré dans la danse commerciale (celle des show TV, clip vidéo, etc.). En 2011, il poussa le curseur très loin en termes de démocratisation de cet art puisqu’il signe les chorégraphies du jeu vidéo JUST DANCE pour UBISOFT. (JUST DANCE 3 / JUST DANCE 4 / JUST DANCE JAPAN). Au bas mot, près de 30 millions de personnes dans le monde se sont essayés aux steps et pirouettes grâce à lui. Avec le même talent ? ça c’est moins sûr …
Danser avec les stars
Mehdi Kerkouche développe une relation professionnelle avec Christine and the Queens, apportant une aura avant-gardiste à la scène pop et remettant en question les constructions genrées. Il l’accompagne pendant trois ans lors de ses tournées, vivant avec elle le début de son ascension artistique sur de grandes scènes. Pour la chanteuse Angèle, c’est un autre projet singulier qu’il réalise : le clip chorégraphié de Le Temps fera les choses permettant à la star belge de s’exprimer dans la danse avec grâce, sortant ainsi de sa zone de confort. « En allant voir la pièce chorégraphique de Mehdi, PORTRAIT, je me suis mise à pleurer en voyant un des duos : Amy et Lisa. Deux femmes de générations différentes danser, librement. » se souvient Angèle.
Sur grand écran
En 2018, l’aura de Medhi déborde des scènes de théâtre et s’invite sur les grands écrans. Il rejoint le casting de Let’s dance signé Stanislas Chollat avec – excusez du peu – Guillaume de Tonquedec, Rayane Bensetti et Line Renaud. Entre danse classique et hip hop, la comédie dramatique séduit illico avec ses numéros de haut vol. Résultat : 400 000 entrées au box office.
Confinected
Incontestablement le coup d’éclat de Medhi est sa captivante chorégraphie à distance imaginée sur un morceau de Barry White et publiée sur les réseaux en plein coeur du confinement. On y voit 4 de ses danseurs interprétés chacun dans leur appartement, et dans l’ennui abyssal de nos vies confinées, un Confinected hyper fun. La vidéo réjouit en 24 heures plus d’un million d’internautes. Relayée par le ministre de la Culture et Christine and the Queens, le phénomène Kerkouche se met en marche.
Les ors de Garnier
À la rentrée 2020, Medhi est invité par Aurélie Dupont, directrice de l’Opéra de Paris, afin de signer une pièce pour les danseurs du Ballet. Son nom : Et si. Manque de bol, le Covid s’invite à la fête et la France ferme ses théâtres le 1er novembre de la même année. Pour ne pas perdre tout ce travail, une représentation est tout de même programmée et retransmise en direct sur les réseaux sociaux sous le nom Créer aujourd’hui.
Et hop, à Créteil !
Après 13 années sous la direction du chorégraphe hip hop Mourad Merzouki, le Centre chorégraphique national de Créteil (Val-de-Marne) accueille, en septembre 2022, son nouveau boss : Mehdi Kerkouche. Le projet du chorégraphe au parcours météore : inscrire cette institution comme un espace sans frontières, à l’image de la danse, un horizon ouvert à toutes les diversités sans restriction de genres et connecté à tous les récits et les identités plurielles. Un projet engagé et inclusif assurément.
Renouveler les publics
Il précise le projet de son centre chorégraphique francilien : « La diffusion télévisée de ma création pour le ballet de l’Opéra national de Paris a suscité de nombreux remerciements du public, qui n’aurait pas pu assister au spectacle en personne à Paris. Les frais de déplacement peuvent être prohibitifs pour les familles. La communauté en ligne établie pendant le confinement, notamment avec le festival « On danse chez vous », souligne l’importance de rendre la culture accessible. L’art doit toucher tous les publics pour éduquer et transmettre des messages. Le festival, attirant 2000 spectateurs lors de sa 3e édition, se poursuivra à Créteil. »
On ne choisit pas sa famille
Actuellement, Medhi tourne avec un vif succès PORTRAIT soit neuf danseurs électrisés qui peignent une fresque familiale vibrante. Le chorégraphe y explore l’héritage familial, magnifiant les corps de sa troupe hétéroclite. Entre bonheur, embarras, toxicité ou absence, PORTRAIT questionne l’identité au sein de cette unité non choisie. Liens en mutation, personnalités contrastées s’entremêlent, rythmées par la musique envoûtante de Lucie Antunes.
Site internet : CCN de Créteil et du Val-de-Marne I EMKA (ccncreteil.com)
Crédit photo : ©Cédric Terell