Betty Tchomanga

Betty se souvient

Avec son solo magnétique et à la pulsation exutoire autour de la déesse vaudou Mami Wata, Betty Tchomanga a frappé un grand coup. Mascarades sera joué ce jeudi à La Manufacture-CDCN, alors que sa pièce de groupe Leçons de Ténèbres s’apprête à être performée en Suisse, en mai prochain.

Mon premier souvenir de danse.

Mes premiers souvenirs de danse sont associés aux fêtes de famille du côté maternel. Avec mes cousin.es nous passions du temps à inventer des spectacles, mêlant danse, musique, chant, théâtre, encouragé.es par nos parents qui finiront par participer également à ces moments de spectacles lors des fêtes de famille ! 

Mon premier spectacle de danse en tant que spectatrice.

Mes premiers souvenirs de spectatrice arrivent assez tardivement. Mon rapport à la danse commence avec la pratique et n’est pas connecté au départ à la place de spectatrice. Cela arrivera bien plus tard lors de mon passage au CNDC d’Angers pour la formation d’artiste chorégraphique (2007-2009). Plusieurs souvenirs se mélangent alors le Grand dehors d’Emmanuelle Huynh, Tempo 76 de Mathilde Monnier, Cornucopiae de Régine Chopinot…

L’émotion qui s’y rattache.

Il y en a plusieurs de la fascination, de la joie, des larmes aussi. De l’ennui parfois…

Mon souvenir le plus ardent en tant que spectatrice.

J’ai été extrêmement émue devant Orphée et Eurydice mis en scène par Castellucci au théâtre de la Monnaie à Bruxelles. Dans lequel une jeune femme atteinte d’un locked in syndrome (elle est entièrement paralysée et communique uniquement par les yeux) joue le rôle d’Eurydice filmée en live depuis sa chambre d’hôpital…

Et en tant qu’interprète …

De Marfim e carne à Beyrouth avec Marlene Monteiro Freitas et toute son équipe! Le noir final après la séquence finale sur l’Orphée et Eurydice de Monteverdi. Une femme au milieu du public qui se lève immédiatement avec un cri de joie, électricité dans le public, chaleur proximité, joie galvanisante! 

S’il ne devait avoir qu’un-e chorégraphe …

C’est compliqué pour moi de choisir seulement une chose. J’aime la complexité et la multitude des expériences. Je travaille avec la mise en résonance, la juxtaposition des sources et des influences. Les tensions, les oppositions… Ce qui m’intéresse c’est lorsque je me sens mise en mouvement physiquement, émotionnellement, intellectuellement. je ne peux pas résumer cela dans quelques références. Cela se transforme, se complète au gré de la vie des rencontres et expériences…

Parmi les figures proches ou lointaines qui m’ont inspiré jusqu’à aujourd’hui il y a Hanna Halprin, Alain Buffard, Trisha Brown, Dore Hoyer, Valeria Gert, Marlene Monteiro Freitas, Maguy Marin, James Baldwin, Casey, Nina Simone, Frantz Fanon, Anna Karenine, Jimi Hendrix, Gena Rowlands, Andreï Tarkovsky, Amadou Hampathé Bâ, Angela Davis, Miles Davis, Betty Davis, Berlinde de Bruyckere, Zanele Muholi, Mami Wata, les Amazones du Royaume du Danhomey, les Egungun, le culte des ancêtres chez les Bamiléké (ethnie camerounaise côté paternel)…

(NDLR : Du coup réponses ci-dessus aux questions qui suivaient : S’il ne devait rester qu’une musique … qu’un seul livre …un plan, une séquence culte de l’histoire du cinéma … un être humain le plus inspirant … et un héros (mythe/dieu/déesse) …)

Mon meilleur souvenir de Mascarades.

Ce fut récemment lors d’une série au théâtre Dona Maria à Lisbonne. La première fois que je venais présenter mon travail en tant que chorégraphe. Après y avoir plusieurs fois travaillé avec Marlene Monteiro Freitas. J’ai une affection particulière pour cette ville et ce pays. La salle était toute petite mais l’accueil du public fut des plus chaleureux  et généreux, l’énergie que je donne pendant la pièce m’était renvoyée généreusement chaque soir par les applaudissements! 

Et les premières sensations provoquées par les représentations Leçons de Ténèbres.

Une sensation de vulnérabilité et d’exposition forte presque à l’opposé de Mascarades où je ne vois presque pas le public. Dans Leçons de Ténèbres le dispositif quadri-frontal rend l’énergie du public très présente et l’écriture de la pièce y est très reliée. La frontière est très poreuse entre le public et nous les performer.euses! 

Propos recueillis par Cédric Chaory

©Queila Fernandez

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