Danya Hammoud

Lady from Lebanon

Atelier de Paris, samedi 30 mai, 10h. La jeune chorégraphe libanaise Danya Hammoud s’apprête à enchaîner une énième répétition. Dans 5 jours, elle ouvre le festival June Events, en création mondiale, avec sa (très attendue) deuxième pièce Mes mains sont plus âgées que moi.

Sereine avant d’entamer le filage, sirotant son café dans le cadre champêtre de la Cartoucherie quasi-déserte à cette heure de la matinée, Danya explique son nouveau projet : « Mes mains sont plus âgées que moi questionne l’acte de tuer, plus précisément le court moment précédant le passage à l’acte ? Comment se construit corporellement cette intention ? Ici, il n’est pas question de représenter l’acte mais de sentir tout ce qui se passe avant cette violence. » Dans la droite lignée du solo Mahalli, puissante première pièce de la chorégraphe, ces Mains s’annoncent intenses.

Révélation du June Events 2013 avec Mahalli, Danya Hammoud a connu une année exceptionnelle : une tournée traversant Allemagne, Angleterre, France et Liban ; une critique admirative qui voit en elle la « petite sœur d’Olivier Dubois » ; un soutien à la production 4* comptant L’Atelier de Paris, le Quartz (Brest) et le réseau des 14 CDC via leur aide Création 2014 des Centres de Développement Chorégraphique. Attentive à cet engouement, elle n’en reste pas moins gênée par la filiation avec le chorégraphe des Ballets du Nord : « C’est très gratifiant d’être comparée à un chorégraphe d’une telle renommée mais c’est surtout disproportionné. J’ai vu une seule pièce d’Olivier -Tout l’or du monde- et de nombreux extraits de son répertoire sur le Net. Je ne vois pas de ressemblances sur l’esthétique mais je comprends les journalistes qui ressentent dans nos pièces respectives une forme d’urgence. »

Urgence de danser

La danse a toujours été présente dans la vie de Danya, mais adolescente elle intègre la section théâtre de l’Institut des Beaux-Arts de Beyrouth, « un peu par défaut », ne trouvant pas de solide formation chorégraphique dans son pays. Son temps libre, elle le consacre aux stages intensifs de danse contemporaine en Europe : « J’allais en Bulgarie, à Lisbonne durant le festival Alkantara… A Beyrouth, nous avons des Conservatoires de danse classique et moderne, le BIPOD un festival renommé à la programmation éclectique, une scène méconnue mais nous manquons sérieusement de formations. Il n’y a qu’une seule librairie dédiée à la danse dans la capitale ! »

Loin de Beyrouth, dans la Mayenne, la jeune artiste intègre, en 2004, la 1ère promotion d’Essais, la formation du CNDC* d’Angers : « J’ai fait l’essai d’Essais » comme elle dit. « J’y ai découvert les coulisses de ce que je voyais sur Internet, ce que je lisais dans les revues spécialisées… Il m’a fallu du temps pour comprendre tout ce que j’ai appris au CNDC. C’est très dense : il faut tester, trier, concrétiser tous ces outils théoriques. La formation Essais a organisé ma pensée. »

L’essai transformé, deux ans plus tard, elle s’installe à Beyrouth et fonde l’avantgardiste collectif Zoukak avec 6 comparses. Ici pas de hiérarchie, démocratie à tous les étages : chacun signe sa mise en scène à tour de rôle, on y questionne ensemble le théâtre, le Liban, le théâtre au Liban. « L’économie, le social, le politique, l’esthétique… nous sommes sur des questions contextuelles. A nos débuts, on intriguait car nous sommes un collectif d’artistes totalement indépendants et libres. Le concept était nouveau et on nous prédisait pas plus de deux années de survie. Mais notre force c’est d’être un groupe qui construit et nous sommes toujours là. Le public, passé les pour et les contres du début, est toujours revenu au fil des créations pour voir notre évolution. »

Mounzer, Khouloud et Danya

Accompagnée de ses compatriotes, le comédien Mounzer Baalbaki et la chorégraphe Khouloud Yassine, c’est avec un trio que Danya Hammoud revient sur la scène de l’Atelier de Paris. « Pour Mes mains sont plus âgées que moi, c’était une évidence de travailler avec Mounzer et Khouloud. Nous parlions souvent d’un travail en commun. Je les savais intéressés par ce projet, ce sujet. Je pouvais me projeter facilement en eux et en toute confiance, je connais parfaitement leurs qualités. » Le passage de la forme du solo à celle du trio s’est donc fait en douceur comme en famille. Mes mains sont plus âgées que moi est à découvrir, également en famille et entre amis, à l’occasion de sa création mondiale, le mercredi 4 juin à 19h30 à L’Atelier de Paris. Une tournée de (déjà !) 12 dates s’ensuivent. Immanquable !

Cédric Chaory

© Marco Pinarelli