Uprising : comment Hofesh a révolutionné la danse

De Babylon à 3Abschied, 2006 fut une année charnière pour la danse contemporaine. Mais avec Uprising, Hofesh Shechter fit trembler la scène mondiale.

2006 fut une année bénie pour la danse. Sidi Larbi Cherkaoui invoquait les mythes avec Babylon, De Keersmaeker et Jérôme Bel méditaient sur la fin de l’art dans 3Abschied, Heddy Maalem rallumait les braises du Sacre du Printemps, et Christian Rizzo esquissait déjà les rites masculins de D’après une histoire vraie. Mais c’est Hofesh Shechter, jeune chorégraphe israélien alors inconnu, qui rafla la mise avec Uprising, une pièce furieusement physique, vibrante de testostérone et de tendresse brute. Près de vingt ans plus tard, le prodige est devenu une institution : il dirige aujourd’hui l’Agora, Cité Internationale de la Danse à Montpellier, temple de la création chorégraphique contemporaine.

Uprising, la naissance d’un phénomène mondial

Un soir de juin 2006, dans la salle du The Place à Londres, sept hommes se lèvent. Pas pour une révolution politique, mais pour une révolution esthétique. La pièce Uprising s’impose comme un manifeste. Hofesh Shechter, ancien batteur et compositeur, signe une œuvre viscérale où musique, corps et lumière fusionnent en un seul battement. Les sept danseurs, noyés dans la fumée et la pénombre, forment une meute fraternelle, traversée d’élans violents et d’étreintes tendres. On y devine l’armée israélienne, mais surtout un questionnement universel : comment vivre ensemble dans un monde fracturé ?

Une danse entre rage et grâce

Dans Uprising, la danse devient percussion, le corps devient instrument. La musique tribale et urbaine composée par Shechter pulse comme un cœur amplifié. « La colère n’est pas négative, elle permet de changer les choses », explique-t-il. Cette colère, transformée en beauté, donne naissance à une énergie chorégraphique unique, alliant rage, précision et humanité. Les critiques britanniques saluèrent l’exploit : The Guardian parla d’un “travail galvanisant de puissance et de défi”, tandis que The Observer évoqua “une œuvre qui fait courir le cerveau autant que le cœur”.

Uprising, miroir de la masculinité moderne

Shechter explore dans Uprising les relations entre hommes, oscillant entre solidarité et domination. Les gestes sont brutaux, mais jamais gratuits.
Un danseur mime une exécution, un autre enlace son compagnon : l’amour et la violence s’y mêlent jusqu’à l’indiscernable.
La scène finale, où les danseurs brandissent un drapeau façon Iwo Jima, évoque une victoire incertaine, presque mélancolique. Une image de fraternité virile à la fois sublime et dérisoire.

De Jérusalem à Montpellier : Hofesh Shechter, le chorégraphe libre

Dix ans après sa création, Uprising entre au répertoire de l’Opéra national de Paris, consacrant Shechter comme l’un des grands noms de la danse contemporaine, aux côtés de Forsythe, Pina Bausch ou Mats Ek. Aujourd’hui, celui dont le prénom signifie liberté en hébreu dirige l’Agora, Cité Internationale de la Danse à Montpellier, un lieu dédié à la création et à la recherche du mouvement. Presque vingt ans après Uprising, Hofesh Shechter continue d’incarner une danse en résistance, une danse du monde réel, vibrante, électrique et profondément humaine.

Cédric Chaory

© Andrew Lang