Les danses hip-hop, terrains de recherche et d’invention
Le prochain colloque du CN D s’intitule « Faire connaissances – Les danses hip-hop, terrains de recherche et d’invention » et se déroulera dans la salle Boris Vian, Grande halle de La Villette du 5 au 7 décembre 2025. Comme les précédents colloques, il réunira artistes chorégraphiques, praticiennes/praticiens, pédagogues, chercheuses/chercheurs, doctorantes/doctorants et jeunes docteurs. Un appel à communication et participation est lancé. Toutes les infos ci-dessous.
Croisant les expériences, vécus et savoirs des danseuses et danseurs et des chercheuses et chercheurs, l’ambition de ce colloque est de proposer un état des lieux des connaissances sur les danses hip-hop, de leur diverses formes et transformations, en considérant les multiples circulations, influences, tensions et développements qu’elles ont connues en cinq décennies. En effet, depuis l’émergence du hip-hop dans le Bronx des années 1970, la référence au knowledge, aux savoirs est centrale au sein du mouvement. Les danses hip-hop offrent ainsi des perspectives uniques pour interroger cette notion, dans ses multiples manifestations, négociations, légitimations et contestations.
A l’émergence du mouvement hip-hop dans le Bronx des années 1970, en plus du DJing, MCing, b-boying, et graffiti, le knowledge fut considéré comme un élément central de la culture hip-hop , valorisant dès le départ la référence aux savoirs. Pour les danseuses et danseurs hip-hop en particulier, la quête « d’informations », à l’intérieur et en dehors de leur contexte états-unien d’émergence, a ainsi été inlassable. Elle s’est déroulée de manière diverse selon les localités mais s’est souvent caractérisée par des difficultés d’accès à des images de danse, une relative rareté de rencontres avec des pionnières et pionniers, et une transmission des pratiques à l’écart des studios de danse. Ceci a donné lieu à des constructions de savoirs en danses hip-hop selon différentes modalités, qui continuent à être façonnés dans des espaces multiples, souvent hors des circuits académiques comme le club, le battle, l’entraînement entre pairs, les cours associatifs, ou encore les plateformes de réseaux sociaux.
Les danses hip-hop offrent ainsi des perspectives uniques pour interroger la notion de « connaissance » dans ses multiples manifestations, négociations, légitimations et contestations possibles, tout en soulignant l’importance des enjeux et la diversité des points de vue. L’ambition de ce colloque est de mettre en lumière la multiplicité des formes, des mots et des modes qu’elle peut prendre au sein, et au sujet, des danses hip-hop. Il se propose de croiser diverses sources et ressources, traditions, témoignages, archives, internet, et souligner la diversité de manières dont les savoirs peuvent être produits, utilisés, critiqués, mais aussi la diversité des actrices et acteurs qui peuvent élaborer et mener des projets de connaissance.
Un des enjeux de « Faire connaissances : les danses hip-hop, terrains de recherche et d’invention » est de constituer une occasion de réflexions et de rencontres entre des savoirs dits « pratiques », « académiques », « militants », « activistes » en proposant des modalités variées de présentation et d’échanges autour des danses hip-hop. Un deuxième enjeu est d’enrichir le champ d’étude portant sur les histoires, cultures et pratiques des danses hip-hop. En effet, que ce soit au sein des hip hop studies ou des études en danse, les travaux sur les danses hip-hop restent minoritaires. S’il existe une socio-anthropologie des danses hip-hop, les danses hip-hop, d’ici et d’ailleurs, demandent à être davantage documentées, selon des approches historiques, esthétiques, comparatives, etc. Il s’agira en outre d’inclure et de valoriser les travaux de chercheuses et chercheur ancrés dans la pratique (practice based researchers) qui demeurent peu accessibles quand ils ne sont pas publiés.
Ce colloque n’a pas l’ambition de définir ce que recouvre l’expression « danses hip-hop », et cultive au contraire une certaine flexibilité pour saisir ses différentes délimitations et interprétations. Selon la perspective d’où l’on regarde, les filiations, croisements et généalogies peuvent paraître différents. À l’image du sampling en musique, les danses hip-hop valorisent des logiques d’englobement, transformant ce qui est emprunté tout en reconnaissant toujours l’altérité en leur sein. C’est pourquoi, ce colloque encourage plusieurs décentrements. Tout en considérant leur contexte états-unien d’émergence, il s’agit de prendre en compte l’existence de danses hip-hop « made in France(s) », façonnées par des dynamiques postcoloniales et (post) migratoires ainsi que par les fertilisations culturelles constitutives de leur histoire. Mais cette idée de spécificité française elle-même demanderait à être étayée par la mise en regard avec d’autres contextes et par l’adoption d’une perspective transnationale qui en souligne les dialogues. Il nous paraît également important de se décentrer des récits et projets de connaissance nourris majoritairement depuis les contextes urbains, les capitales et métropoles, afin de faire une place aux mondes ruraux et aux régions dans la compréhension des facettes multiples des danses hip-hop. Notre ambition est en ce sens de questionner, sans forcément résoudre, les tensions qui peuvent exister autour de ces géographies hip-hop.
Enfin, il est important de se demander pourquoi cet événement ici et maintenant ? Il s’inscrit tout d’abord en continuité avec l’histoire des danses hip-hop sur le territoire français, la première émission hip-hop sur télévision nationale, « H.I.P.H.O.P. » en 1984, les Rencontres régionales de danses urbaines à Villefranche-sur-Saône en 1992, les Rencontres nationales de danse urbaine à La Villette en 1996, la création en 2003 puis le rayonnement mondial de la compétition « Juste Debout », ou encore l’inclusion du break aux Jeux olympiques de Paris en 2024. Mais il relève aussi d’une attention aux corps et âmes hip-hop, exacerbée par les décès ces dernières années en France de plusieurs figures reconnues et pionnières des danses hip-hop. Une inquiétude quant aux « anciennes et anciens » vieillissants, concomitante à la durée du mouvement hip-hop lui-même, renouvelle la soif de connaissances, d’histoire et de mémoire. Or, les pratiques hip-hop continuent de reposer en partie sur de la transmission orale, pendant que se multiplient les initiatives d’histoire publique, de documentation et de notation émanant des danseuses et danseurs mêmes, et dont ce colloque souhaite amplifier le rayonnement. De plus, le comité scientifique, rassemblant à part égale des danseuses et danseurs hip-hop et des chercheuses et chercheurs universitaires, s’est saisi de cette invitation, pleinement conscient des enjeux que l’inscription institutionnelle peut soulever, en accordant dans les discussions préparatoires à l’élaboration de cet appel, une place aux questions de récupération et d’instrumentalisation politique qui préoccupent la communauté hip-hop française. Reconnaissant l’importance du contexte actuel de débats et de méfiance ainsi que les tensions historiques entre les danseuses et danseurs français et les institutions de l’État, ce colloque est aussi l’occasion de problématiser ces questions.
Le colloque « Faire connaissances : les danses hip-hop, terrains de recherche et d’invention » invite ainsi à une pluralité de regards et d’expériences permettant des approches allant du micro au macro et tenant compte de la diversité des aires culturelles et des contextes historiques, économiques, politiques et artistiques, et faisant dialoguer une diversité d’approches disciplinaires : entre autres, et sans exhaustivité, la practice-based research, les études en danse, l’analyse du mouvement, l’histoire, l’anthropologie, les études de genre, les performance studies, ou encore la sociologie. Il invite les participantes et participants à intervenir selon différents formats, incluant des modalités performatives et dialogiques. Afin de multiplier les perspectives, cet appel paraît simultanément en plusieurs langues, et invite des contributions depuis et sur n’importe quel contexte national, régional, transnational.
L’appel à communication est ouvert aux artistes, praticiennes et praticiens,
chercheuses et chercheurs, doctorantes et doctorants et jeunes docteures et docteurs,
pédagogues et autres professionnelles et professionnels.
Le colloque se tiendra en français et en anglais, en traduction simultanée (autres
langues possibles, nous contacter, pour plus de précisions : colloque2025@cnd.fr
Différents formats d’interventions sont possibles :
1. Intervention au format universitaire (présentation de 20 min., puis 15 min. de
discussion) ;
2. Intervention axée sur la pratique dansée : performance, mise en mouvement du
public, pratique collective ou autres formats créatifs (30 à 40 min.) ;
3. Panels interdisciplinaires en groupe : artistes, pédagogues, praticiennes, praticiens
universitaires, etc. (entre 1h et 1h30 pour 3 à 6 intervenants) ;
4. Créations audiovisuelles (en particulier, celles apportant une nouvelle perspective
sur les enjeux des concours, 1 heure maximum) ;
5. Dialogue en binôme autour d’une performance avec retour d’expérience et échange
théorique (format 1h).
Seront également encouragés les formats digitaux ou outils numériques innovants qui
font écho de manière créative à ces différentes modalités.
Les propositions (en français ou en anglais) sont à envoyer avant le 3 mars 2025, à
l’adresse suivante : colloque2025@cnd.fr
Communiqué de presse
Underdogs d’Anne Nguyen ©Patrick Berger