Une célébration de la vie et la mort
Le 9 septembre dernier, Alice Kinh dévoilait sa création Farandole des Solitudes qu’Aliénor avait entrevue à l’occasion d’une sortie de résidence en mai 2019. Ou il est question d’accueillir la mort en toute sérénité.
L’orage tonne et la pluie tombe quand entre le public dans la salle de L’Horizon. Au plateau, sur un sol recouvert où cheminent des parcours de terreau, quatre interprètes sont concentrées à l’exécution d’un intriguant cérémonial : s’enduire le corps d’un onguent cuivré puis souffler dans les airs une pluie de paillettes, volatiles poussières d’étoiles se réfléchissant dans les rasants.
Puis cette frêle humanité fait corps. Délicatement, les danseuses posent chacune leur tête sur l’épaule de leur voisine, cherchant symbiose ou tout simplement réconfort. Au fur et à mesure que cet enlacement compact se déplace disparait du sol la géométrie terreuse. Puis surviennent la chute d’une des protagonistes et les premiers pleurs. La mort a frappé.
Les bras se lèvent au ciel dans un geste d’imploration avant de glisser vers le sol. Poussière tu es, poussière tu retourneras.
De sa recherche sur les danses macabres du XVème – XVIème siècle en France, point de départ de Farandole de Solitudes, la jeune chorégraphe rochelaise Alice Kinh signe un premier effort chorégraphique honorable, soutenue par un quatuor de danseuses consciencieuses (Léa Bonnaud, Salomé Genès, Charlotte Leroy, Aude Westphal).
Cette application se retourne cependant rapidement contre la pièce. Si l’on devine aisément l’inquiétante étrangeté qu’insuffle Alice Kinh à Farandole des solitudes, l’angoisse de mort, de la solitude, de la solitude face à la mort peinent à être incarnés. Les scènes de transe où rires succèdent aux pleurs, les (nombreuses) courses circulaires – figure usante de la danse contemporaine -, toutes ces postures de gisant, de descente de croix et de plongeon … toute cette grammaire allégorique, cette matière chorégraphique se délitent bien trop dans une succession infinie de tableaux qu’accompagne une musique omniprésente signée Grand Soir.
Les corps trop sages de cette Farandole des solitudes ne convainquent pas. Plus épurée, délestée de quelques passages trop narratifs, Farandole nous aurait assurément fait traverser le Styx en toute quiétude. Ou mener droit au paradis. À noter que la pièce fut découverte à l’occasion d’une avant-première, gageons que la volontaire Alice Kinh aura, entre-temps, musclé sa proposition.
Cédric Chaory
Crédit photo : Jean-Christophe Moine