« At the same time we were pointing a finger at you, we realized we were pointing three at ourselves… » – Robyn Orlin

Disappointment

Les pièces se suivent, se ressemblent… ou pas. On connaît le goût de Robyn Orlin, pour les explorations théâtrales de toutes sortes, pour la mise en mots, en sons, en images, en danses, d’un certain point de vue de la réalité, d’une dénonciation d’un monde constitué en partie d’injustices et de dérèglements. La chorégraphe sud-africaine a fait siennes la performance et l’interaction permanente avec le public, mais aussi la déconstruction de l’espace scénique habituel pour en laisser émerger un nouveau. Entre l’Europe, elle vit actuellement à Berlin, et le continent africain, Robyn Orlin continue les allers-retours artistiques et humains. Pour cette pièce, dont le titre comme à son habitude constitue déjà tout un voyage, « At the same time we were pointing a finger at you, we realized we were pointing three at ourselves… », la chorégraphe a choisi de travailler avec 8 danseurs masculins de la compagnie Jant-Bi. Compagnie sénégalaise dirigée par Germaine Acogny. Autour du Simb ou La cérémonie du faux lion _ un jeu spectacle traditionnel du Sénégal mettant en scène de « faux lions », incitant la foule à réfléchir sur la réalité, la hiérarchisation sociale et la question du genre _ Robyn Orlin cherche là encore à bousculer les règles, à déplacer le pouvoir, les points de vue.

Tout commence par un ballet-concert de tongs. Les danseurs placés derrière un mur de bassines multicolores, jouent des apparitions et disparitions. Dans un mouvement continu ils apparaissent devant le mur, enchainent quelques pas marquant des personnalités toutes différentes, puis disparaissent à nouveau derrière ce dernier.

Tout devient alors matière à percussions, les bassines comme le sol, les pas comme les voix, chacun y va de sa propre musicalité pour faire chœur. Mais très vite le chœur éclate voire s’emballe. A la cérémonie du faux lion, se mêlent des sms de Robyn Orlin projetés sur un écran au plateau, des images filmées en direct par les danseurs à l’aide de leurs téléphones portables, mais aussi une vidéo de Germaine Acogny au milieu de dunes de sable, semblant incarner une grande prêtresse. A ce flux, d’images, d’informations, s’ajoutent les cris, les revendications et interactions des danseurs : « qui n’a pas de billet d’entrée pour le spectacle ? Est-ce qu’il y a un chorégraphe dans la salle qui cherche un danseur ? N’essaye même pas de t’incruster dans mon solo ! … » Enfin à ce flux, de sons, de paroles, de chants (souvent très intenses qui donnent une suspension et un souffle au spectateur), il faut enfin ajouter la danse. Celle des faux lions qui jouissent de leur capacité à distraire, fasciner et faire peur, celle de cet homme transformé en femme, et pour finir celle dansée en solo ou en groupe, le sabar : un danse traditionnelle sénégalaise.

Fanny Brancourt, Le 104 Paris (Avril 2015)

©Philippe Lainé