Suspension filaire
Belle Performance que ce Rhizikon proposé par Chloé Moglia. Cette pièce commandée en 2008, par le directeur de la scène nationale de Sète et du Bassin de Thau, Yvon Tranchant, avait pour but d’être jouée devant les lycéens de la région Languedoc-Roussillon.
Chloé Moglia conçoit à cet effet une scénographie légère où elle seule manipule lumières et sons, et dont le principal décor est un tableau d’école. Munie de quelques craies blanches et éponges, elle entame alors une sorte de conférence dansée, parlée, dessinée sur le risque ; conférence dans laquelle elle insère ses qualités de trapéziste et d’acrobate. Toujours à la recherche de ce qui la meut dans son métier de circassienne et de cette irrésistible envie d’aller se confronter aux limites, au vide Chloé Moglia nous fait partager ses questionnements. Questionnements qui, même si l’on ne pratique cet art du vide et de la suspension, nous font largement écho.
On sent chez cette jeune femme une belle générosité artistique. Elle nous accueille devant son tableau, dès le début de son spectacle par de beaux sourires. Telle une maîtresse d’école, au sens noble du terme, elle requiert l’attention de tous ses auditeurs. Attention qu’elle capte dès les premières minutes, lorsqu’elle écrit en miroir et de ses deux mains : risque. Elle enchaine alors à une vitesse déterminée mots, schémas et personnages. Des questions sont soulevées par cette bande dessinée dans laquelle le corps s’engouffre au fil du temps. Sans force, avec dextérité, précision et une ferme douceur, Chloé Moglia nous donne à voir, ressentir et entendre le risque. Et c’est avec délectation, que le spectateur s’y plonge. Artiste artisan, manipulant ses projecteurs, ses sons, la trapéziste n’hésite pas à chercher les limites dans un espace qui semble a priori sans danger. D’un environnement quotidien et de ses attributs, elle déplace les choses pour les rendre intelligible. La bascule du corps s’opère, les plans s’inversent, se superposent. On perd pieds, ne sachant plus très bien où sont verticale et l’horizontale. De ces renversements naissent différents points de vue dans lequel imaginaires et déséquilibres s’invitent.
Rhizikon est une très belle pièce menée avec poésie, humour, délicatesse et assurance par une artiste en devenir.
Fanny Brancourt, Le 104 Paris
©P. Gerard