Le Grand Théâtre de Genève propose aujourd’hui un programme réunissant ces deux œuvres dans la même soirée. Certes, la musique envoutante de Stravinsky d’une beauté et d’une violence inouïes crée d’emblée un lien organique entre Les Noces et Le Sacre. Mais, il y a aussi le rythme, le langage de cette musique qui dans les deux cas entrainent les corps des danseurs et des danseuses dans un rite frénétique, sensuel et sacrificiel. Ces éléments sont au cœur de ces deux ballets et heureusement pour nous ils sont au rendez-vous dans les chorégraphies inspirées de Veldman et de Foniadakis.
La chorégraphe Didy Veldman propose une relecture très personnelle des Noces tout en apportant une touche de modernité bienveillante à l’œuvre. Des thèmes tels la sexualité, les jeux sur l’identité sexuelle (inversement des rôles, union entre femmes ou hommes également), l’égalité hommes-femmes, se trouvent au cœur de sa recherche chorégraphique et scénique qui refuse l’évidence et les stéréotypes dans des « modèles » sexuels à travers un langage chorégraphique subtil et sensuel. D’emblée, on voit les femmes habillées en noir et les hommes en blanc tandis que les rôles s’inversent constamment tout au long de ce ballet. Quant au mouvement, les danseurs et les danseuses sont à la recherche des gestes qui accentuent le trouble et l’ambigüité des êtres.
Sans doute, l’interprétation inspirée de la troupe du Ballet du Grand Théâtre de Genève au meilleur de leur forme y sont pour beaucoup à la réussite de cette chorégraphie.
Un Sacre au rythme inspiré
Le cérémonial se poursuit, pour atteindre son point culminant, avec le célèbre Sacre du printemps revu par le chorégraphe Andonis Foniadakis. Sans chercher une réécriture révolutionnaire de cette œuvre emblématique, Foniadakis sait comment « écouter » la musique de Stravinski. C’est cette musique avec son rythme et son tempo si précis qui le guide pour construire un langage chorégraphique intelligent, respectant à la fois l’œuvre, les danseurs et les spectateurs. Des qualités, très appréciables dans un milieu artistique ou malheureusement grand nombre des chorégraphes contemporains restent souvent et obstinément si peu à l’écoute de leurs danseurs et de leur public. Dans le Sacre de Foniadakis, la musique de Stravinski envahit les corps des danseurs qui entrainent les spectateurs dans un cérémonial. Un crescendo jusqu’au sacrifice ultime. Des danseurs qui épuisent leurs ressources, sans épuiser le spectateur, en l’amenant vers une catharsis libératrice.
Lorsque Foniadakis créa Le Sacre il y a cinq ans au Grand Théâtre de Genève, il proposa une œuvre axée autour d’une seule danseuse, l’Elue du Sacre : Madeline Wong. Maintenant, il remanie avec brio cette œuvre toujours avec la même danseuse entourée par les danseurs particulièrement inspirés du Ballet du Grand Théâtre de Genève. Madeline Wong épouse habilement le mouvement proposé par le chorégraphe en l’adaptant à sa propre personnalité avec conviction et sensibilité Triomphe assuré.
Nakis Ioannides, Bâtiment des forces motrices Genève (Février 2013)
©Gregory Batardon