Sans voies(x)
« Je suis un Apache, je suis un indien, auquel on a fait croire que la douleur se cache. » Cette phrase tirée de la chanson d’Alain Bashung Je tuerai la pianiste, est en quelque sorte le point de départ de la dernière création du chorégraphe et interprète Hamid Ben Mahi. C’est la directrice du théâtre Louis Aragon de Tremblay en France, Emmanuelle Jouan qui a suggéré au chorégraphe de travailler d’après l’univers d’Alain Bashung. Apache est née de cette rencontre.
Hamid Ben Mahi raconte « ne pas avoir eu pour intention de réaliser une chorégraphie-hommage au compositeur mais plutôt de réinventer sa matière sonore et de la raconter avec le corps. » Effectivement il n’y a aucune complaisance dans le propos du chorégraphe. Accompagnés de deux des musiciens d’Alain Bashung, cinq danseurs, sorte de bande errante, cherche à s’affranchir d’états émotionnels et physiques. La scène se passe au pied d’un garage automobile. Les Apaches de ce lieu semblent tenir les murs, souffrir d’un ennui infini. Les visages font la moues, les yeux cherchent dans le ciel, quelque chose, un signe ?. On se regarde sans vraiment se regarder. Puis on se j’auge, on s’affronte, on se récupère quand l’excès ou la folie guette. Vêtus de jean, de cuir ou de vestes en velours à franges, (les costumes sont fades et attendus quand au titre du spectacle) les danseurs ont l’air perdu dans cet univers. On ne perçoit pas le fil qui les mène de l’ennui à la folie, de l’ennui à … La danse ne dit rien de ce qui meut les corps, et encore moins du chœur du corps. De ce groupe, de ce corps collectif.
Peut-être est-ce dû à l’espace sonore et émotionnel que prend la musique ? D’autant plus qu’elle est jouée en directe devant nous par eux excellents musiciens Yan Péchin (guitariste) et Bobby Jocky (bassiste). Ce qui est palpable sur le plateau, c’est ce déséquilibre entre la matière sonore et la matière chorégraphique. Mis à part Babacar Cissé (seul à être habillé d’une combinaison de garagiste, pourquoi ?) qui dégage une puissance et une fulgurance dans sa danse et ses états de corps, on se sent un peu étranger à ces Apaches.
Il y a sans doute une idée d’étouffement dans le propos du chorégraphe ; notamment due à ce décor imposant, et à son côté vieillot un peu trop esthétisé. Cette grande porte métallique sur laquelle les danseurs s’appuient, se retiennent ou initient, par des frappes de pieds et de mains, un air de colère. Quel dommage que toutes les possibilités de ce décor ne soient exploitées. Une poulie à l’extérieur est juste frappée puis balancée légèrement. Les portes sont ouvertes et fermées simplement. Les poutres métalliques au-dessus de la porte servent juste entre deux scènes, d’encadrement aux danseurs. Pourquoi avoir choisi un tel décor si ce n’est que pour habillé là scène ? Là encore, le déséquilibre persiste. Les danseurs semblent écraser par ce dernier.
Apache, est une pièce pleine de bonnes intentions, dont la mise en œuvre est quelque peu maladroite, au regard de certains clichés de mise en scène : chacun des danseurs à son petit moment de solo, ou ces rapports homme/femmes, qui sera l’élue ?, ou encore ces cercles de danse à l’image des danses amérindiennes. Pourtant l’idée d’une danse hip-hop (souvent riche d’une énergie aux couleurs bien différentes de la danse contemporaine) rencontrant une musique pleine de poésie et de souffle rock, promettait de belles choses.
Fanny Brancourt – Grande Halle de La Villette Paris (Avril 2013)
Crédit photo : Laurent Philippe