Corps jeune, corps adulte, matière de travail
Boris Charmatz et Le Musée de la Danse (nom qu’il a décidé de donner à l’ancien Centre Chorégraphique National de Rennes et de Bretagne dont il a repris la direction après Catherine Diverrès) nous propose un étonnant spectacle qui mêle enfants, adultes et machines. Après un passage très remarqué à Avignon, (Charmatz en était cette année, l’artiste associé), enfant arrive à Paris.
Des machines prennent pratiquement tout le plateau. Elles fonctionnent seules, on ne sait si quelqu’un les dirige. Elles se jouent de trois danseurs, posés là. Elles les tirent, les soulèvent, leur font faire des aller retours. Les corps sont complètement, inertes. Ils se laissent faire. Comme une sorte de manège, dont on ne peut avoir la maîtrise, C’est la machine qui vous conduit et vous éconduit. Aux danseurs alors de s’adapter. Le mieux est sans doute de ne pas aller contre, mais de laisser faire pour qu’il n’y ait pas de choc. Ce qui donne des danses qu’on ne saurait imaginer sans cet effet. Des corps qui s’abandonnent.
Puis, d’autres danseurs apparaissent, un enfant endormi dans les bras. Là, commence alors un travail incroyable, aux rythmes très variés et aux obstacles nombreux. Les enfants sont portés, transportés, déplacés, déposés. Ils passent de bras en bras. On les traîne sur le plateau, les posent sur les machines qui les font bouger. Ce sont des pantins vivants. Le plateau devient un grand laboratoire, une expérimentation sans retenue, sans précaution infantilisante. Les enfants deviennent par la suite, ceux qui manipulent, ceux qui traînent et déplacent. Et tout devient évident.
Boris Charmatz et ses danseurs ont fait un travail remarquable avec ces enfants. Très loin du Petit projet de la matière (d’Odile Duboc repris, l’année dernière par Anne-Karine Lescop avec des enfants), où l’enfant habillé de couleurs pastel, un peu mièvres, appréhendaient des matières différentes et restaient dans un rapport un peu simpliste à ces éléments, Boris Charmatz avec enfant donne la possibilité aux enfants d’exprimer des états de corps étonnants. Certains de ces états sont propres aux danseurs. Charmatz ne cherche cependant pas en faire des danseurs mais à mettre en lumière les qualités corporelles qu’ont les enfants et ce sans les ménager (ni les maltraiter). Son travail avec eux est parti du thème du sommeil. Le spectacle rend compte d’une écoute incroyable entre les danseurs et les enfants, même dans la vitesse, et même sur ce plateau encombré. On sent le plaisir qu’ils prennent à être sur scène dans ces différents états, à être pris en charge puis responsables du corps des autres.
Une pièce juste, surprenante où l’enfant est pris comme une personne à part entière avec ses particularités d’enfant. Seul bémol, l’utilisation d’une musique de Michaël Jackson. Quand on connaît les faits qui lui ont été reprochés, par rapport à ses relations avec les enfants, on ne voit pas le sens que ça peut ici avoir.
Fanny Brancourt