Entracte de 15 minutes. Les artistes du prochain spectacle doivent préparer leur espace. La pièce ne commence-t-elle pas là ? Dans ces gestes précis parce que répétés, parce qu’issus de la pratique de chacun. Côté jardin: Serge Teyssot-Gay, guitariste rock impliqué dans de nombreuses rencontres artistiques s’installe. Il dépose son ampli et une valise de câbles, pédales et autres outils nécessaires à ses improvisations musicales. Il s’installe, branche, relie, règle, essaie. Fond de scène côté jardin: le peintre Paul Bloas, prépare ses pinceaux, ses mélanges de couleurs, place et déplace l’escabeau qui va lui servir à atteindre le haut de sa toile (3 mètres de hauteur environ). Onde de choc commence à mon sens dans cette installation de ces deux artistes pour lesquels le geste traverse un instrument, que ce soit le pinceau ou la guitare avant d’exprimer.
L’entracte se termine. Les deux artistes disparaissent pour réapparaître, quelques minutes plus tard, accompagnés de Bernardo Montet, danseur et chorégraphe. Ce dernier prend la pause près du peintre qui après observation improvise un début de silhouette sur sa toile géante. La musique devient le support de la danse qui elle-même devient le support de la peinture. Et inversement. Chaque pas de l’un entraîne le pas de l’autre. L’œuvre est collective. Elle s’improvise devant nous. Les artistes prennent des décisions, s’affrontent, se rejoignent, s’attendent, se laissent guidés. Ils sont un, ils sont trois. Trois corps complices au travail.
On perçoit cette attention de chacun envers l’autre. Ces moments, là aussi, de suspension où avant de s’engager, de faire, on se regarde, on s’observe. Ces trois artistes ont en commun leur corps qui œuvre. Paul Bloas manie des pinceaux canne à pêche, monte et descend d’un escabeau, vient en avant-scène (muni d’un petit miroir lui permettant de visualiser sont travail en cours). Le corps du peintre a sa propre danse. Une danse liée à la matière, à la couleur, à la technique, à sa pratique artistique en somme.
Onde de choc propose, au-delà de la rencontre entre ces trois artistes et de ce qu’ils créent devant nous, une mise en lumière de pratiques artistiques différentes convergents vers une même chose la pensée d’un espace et de son mouvement. Comment peindre ou jouer le mouvement puis l’immobilité, le passage de l’un à l’autre et surtout leur rencontre imprévue ou forcée ?
Cette performance composée, développe un univers inconnu résultant de la confrontation de celui de chacun des artistes. De l’onde de choc nait le geste poétique instantané. On est émus par tant d’engagement de ces trois corps complices.
Fanny Brancourt – Théâtre des Bouffes du Nord Paris (Novembre 2011)
©Frédérique GUIZIO