De battre nos coeurs se sont accrochés
Un danseur s’accroche indéfectiblement à une chaise sans perdre une seule des scansions de la batterie. Trois autres danseurs tournent autour de lui et tentent de l’en séparer. Ce dernier résiste. L’essence d’Empreintes-On posera les mots après, réside dans cette première scène. Ce spectacle est pour le chorégraphe congolais Delavallet Bidiefono une manière d’explorer la vie nocturne brazzavilloise. Il lui importe de donner la parole à une jeunesse en difficultés préférant être dans l’action plus que dans le verbe.
Nous sommes ici dans une danse de l’urgence. Les danseurs cherchent la confrontation autant que l’émancipation. Ils se bousculent prennent la place de l’autre, chacun tente de s’affranchir de sa condition. Mais celui qui quitte le groupe y revient toujours. Il est sans aucun doute le socle permettant de se sentir plus fort et plus puissant.
La danse de Delavallet Bidiefono est sans concession. Le plateau de la salle Jean Vilar est occupé par cinq artistes, quatre danseurs et un musicien. Quatre danseurs qui s’approprient l’espace aussi bien rythmiquement que physiquement. Les corps se déploient avec densité. On sent une tension permanente qui leur permet de tenir, de vivre malgré l’enfermement dans lequel le Congo s’est plongé depuis la guerre civile. Ne jamais baisser les bras, ne pas se reposer. La vie n’attend pas. Elle est ce que nous faisons d’elle là où nous sommes, semble scander le chorégraphe et ses danseurs.
Munis de piliers en bois qu’ils placent et déplacent et avec lesquels ils frappent le sol, les danseurs inscrivent leur territoire. Un territoire mouvant sonore. Les souffles sont haletants, endurants. Empreintes-On posera les mots après, se construit par des cheminements, des rencontres, un métissage sensible et intelligent.
La gestuelle que nous propose le chorégraphe Delavallet Bidiefono est riche de ce qui le traverse. Il emprunte autant à sa culture (séquences de groupe où l’on perçoit des pas issus de la danse africaine) qu’à sa recherche personnelle et aux rencontres qu’il fait à travers différents continents. La compagnie Baninga dégage une énergie incroyable qui atteint le spectateur et ne lui laisse pas le temps de souffler, à l’image sans doute de cette jeunesse congolaise qui cherche une échappatoire.
Le propos est fort autant que sa mise en danse. Peut-être aurait-il fallu le concentrer un peu plus dans le temps, pour qu’il ne perde pas cette force. Quoi qu’il en soit ce travail mérite qu’on s’y attarde, parce qu’il est tout simplement contemporain.
Fanny Brancourt – MAC Créteil (avril 2010)
©Patrick Fabre