Frotter les souvenirs au présent

Sons d’ambiance. Nous sommes dans la cour d’une concession africaine ou dans la rue. Un tas de pierres ocres et quelques autres disposées ici et là. En fond de scène un poteau rouge. Une femme chante et nous ouvre la porte. Salia Sanou nous entraîne dans son univers celui de son pays, de sa famille. 

Le duo qu’il forme avec la chanteuse Maaté Keïta, exprime des relations diverses, assez réalistes (parfois vagues, est-ce la mère qui fait des remontrances à son enfant, la femme qui veut s’exprimer pleinement ou qui se laisse saisir ?). 

Ce solo est là aussi comme celui de Seydou Boro de se confronter à la verticalité et à la difficulté parfois d’être pleinement là. Salia Sanou improvise une danse avec une pierre sur la tête  – à l’image des femmes et des hommes de son pays – sur la nuque, il tente de garder les pieds sur terre, de rester ancré et ce jusqu’à la chute. 

Il tombe, se relève, tombe à nouveau dans des espaces restreints. La tension s’exprime avec force. Le corps n’est plus serein. Il cherche sa place entre deux pierres, se confronte à l’autre, se jette dans une poussière épaisse, se cogne contre le poteau. Enfin le calme revient, il peut alors créer son espace. Mais le repos n’est que de courte durée.

Etrangement ce corps en tensions parait lointain. Sans doute à cause de ce regard qui est là sans y être. Par ce détail, je me suis sentie étrangère à cette histoire à ce qu’on voulait nous conter. L’univers dans lequel évoluent la chanteuse et le danseur est évident et pourtant il semble fragmenté de telle manière qu’on n’entre pas si facilement dans la proposition. La relation qui les lie n’apparaissant pas clairement, on s’éloigne d’eux et de leurs qualités individuelles indiscutables.

Fanny Brancourt – Centre national de la danse Pantin (novembre 2009)

©Jean-Marie Legros