Tendre et détendre le dedans et le dehors
Dans le chapiteau, un chapiteau. Dans ce chapiteau des membres, des parties de corps glissent sous la toile. Ils marquent leurs empreintes. Se font voir puis disparaissent. De petites taches noires se distinguent sous cette toile blanche d’où se diffuse une lumière verte. Nous sommes au début de la vie. La première image du dernier spectacle d’Aurélien Bory, ressemble à celle d’une échographie. Nous sommes témoins d’un espace relativement clos qui s’ouvre peu à peu.
Après un périple sensible et visuel, le petit d’homme grandit et sort du ventre-toile du chapiteau. Des couples se rencontrent ou ne se rencontrent pas d’ailleurs. Ils se cherchent plutôt. Se courent après en s’aidant des câbles qui tendent la toile comme de la matière caoutchouc qui la compose. Un ballet de va et vient, de poursuites s’offre à nous. Les corps (ils sont huit interprètes, un homme et une femme sur chaque face du chapiteau) sont obligés de se plier, de s’étendre, de se rendre disponibles mais jamais fragiles pour se déplacer autour du chapiteau, juste en bord de scène.
Dans Géométrie de Caoutchouc, tout est propice au déplacement. L’espace est en perpétuelle mutation. Les huit interprètes de la pièce font et défont ce sur quoi ils s’appuient pour eux-mêmes se déplacer. Des déplacements de la matière (toile, câbles) émanent les déplacements des corps (autre matière) et inversement.
La réussite de ce spectacle réside dans cette frénésie de changer l’espace, de le transformer pour se l’approprier à nouveau, pour s’y appuyer ou s’en affranchir. Le prendre, le manipuler puis le recevoir comme une nouvelle définition du monde. Et ce tout en incluant le spectateur. Nous sommes dans un espace aux multiples dimensions.
Difficile de trouver le repos dans ce mouvement permanent. Les équilibres sont fragiles et émouvants tout autant que la volonté avec laquelle chacun tire sur les cordes et soulève les poids (mécanique visible pour le spectateur, participant elle aussi au spectaculaire) qui permettent à la toile d’être froissée, tendue, écrasée, élevée… Elle devient le neuvième personnage de ce voyage en terre caoutchouc.
La physicalité des interprètes est incroyable et participe en grande partie de la poésie de ce spectacle. Dommage que certains moments d’installations et qu’une musique parfois trop prégnante, étirent le temps et laissent s’échapper la magie que les circassiens impriment dès qu’ils sont en jeu.
Géométrie de caoutchouc est à recommander pour ceux qui ne pas encore familier de l’univers d’Aurélien Bory, magicien de la matière espace.
Fanny Brancourt – Parc de la Villette Paris (Octobre 2012)
©Aglaé Bory