Tourneries
Nombreux sont les spectacles traitant du rapport de l’individu au collectif. Ou encore de la place de ce dernier au sein du groupe et de la société. Folks fait partie sans conteste de ces pièces.
Une lumière jaune-orange écrase les couleurs, tout en révélant les nuances des corps et des vêtements de chacun. Un arc de cercle se forme. Les sept interprètes de la pièce entament une ronde. Sorte de leitmotiv. Yuval Pick, directeur du CCN de Rillieux-La-Pape, utilise comme base de sa création, les danses folkloriques. Ceci afin de mettre en lumière, le rapport au monde, à soi et aux autres. L’énergie collective est dense. Le chemin menant à « l’être ensemble » passe par ces danses inhérentes à toutes les cultures du monde. L’interconnaissance, le lien se tisse, se tend, se maintient dans ces effusions collectives où l’on frappe le sol (l’aspect terrien des danses folkloriques est une constante), où l’on se croise (l’espace est en perpétuel mouvement par le jeu de distribution des danseurs), où les interactions sont multiples et indispensables à l’existence du groupe et à sa survie.
Les rondes, farandoles et autres sarabandes mettent en exergue la puissance du groupe, l’organicité donnée à cette communauté humaine. Parfois une personne ou deux se détachent de cette entité. Portées par les autres, elles s’offrent à leur regard avec joie. Puis elle(s) revienne(nt) au groupe comme une nécessité. Exister individuellement semble possible que parce qu’il y a cette entité forte de laquelle je peux me détacher ou non plus ou moins facilement, plus ou moins habilement.
Enfin, il y a ces moments eux aussi inhérents à la société, où des individus sont projetés en dehors. Des couples se forment, et un des danseurs reste sur le carreau. Il est de trop. Pas de place pour lui si ce n’est celle qu’il cherche et qu’il tente par lui-même de prendre. Apparaît cette autre donnée, s’affranchir du groupe par choix, ou par imposition. Des danses légères, et soignées, laborieuses et ancrées, s’échappent alors des corps convulsés, violentés. Le groupe est vécu comme le catalyseur des espérances et folies de chacun. D’où ce besoin inextinguible d’y revenir et de reprendre sans se lasser la ronde.
Cette première partie du spectacle est impressionnante d’ardeur et de volonté. Le rythme est sans relâche poussé dans ses retranchements. La vitesse de croisière portée par les interprètes se rompt et se reforme à nouveau. Yuval Pick avec Folks, nous donne à voir cet équilibre fragile entre les individus et le collectif.
Pourtant, malgré ces qualités, on se sent un peu étourdi par cette foisonnante énergie. Sorte de logorrhée dansée, Folks n’offre que peu de moments de pause. De ces moments qui nous permettent de reprendre du souffle pour repartir avec les interprètes, être attentifs à leurs propos. La deuxième partie du spectacle, sans transition aucune (un vrai cut), nous invite dans une sorte d’île paradisiaque, où la nature regorge. Peut-être est-ce l’île d’utopia ?
Mais la quête paraît vaine. Après un duo, un peu plus tranquille, où les souffles nous apparaissent clairement, il semble temps de reprendre la ronde du début. S’est-il passé des choses entre-temps ? Surement, mais nous n’en sommes plus si sûrs.
Fanny Brancourt – Théâtre national de Paris (Octobre 2012)
©Laurent Philippe