Fougueuse jeunesse
Les deux pièces de Mourad Merzouki, même si elles n’ont pas été créées au même moment (2008 pour Agwa et 2010 pour Correira), sont très proches l’une de l’autre. Par l’entremise de Guy Darmet, le directeur de la biennale de Lyon, Mourad Merzouki rencontre en 2006 des danseurs de Rio de Jaineiro. La plupart d’entre eux sont autodidactes et dansent dans des conditions parfois difficiles. Ils ont aussi en commun d’être tous jeunes et d’avoir une fougue et une envie explosive. C’est vraiment ce qui ressort de ces deux pièces, une envie très forte d’y aller et de se donner complètement. Tous les danseurs ont des corps différents et des façons de danser qui leur sont propres. L’addition de toutes ces personnalités et le travail que propose Mourad Merzouki crée une matière vivante, où l’énergie de chacun contribue à une énergie collective puissante.
Dans Agwa, Mourad Merzouki aborde le problème de l’eau (de sa raréfaction plus précisément) de manière totalement inattendue, avec comme simple décor des gobelets en plastique que les danseurs manipulent de différentes manières au cours de leur danse. Dans Correira, le chorégraphe choisit d’évoquer le rythme avant tout musical, par le biais de la samba et de la bossa nova. Mais aussi le rythme de la marche, de la course. Les danseurs entrent et sortent de scène dans des rythmes effrénés. A la manière des battles, ils se succèdent les uns aux autres pendant que d’autres membres du groupe occupent par des courses ou des rythmes frappés au sol, d’autres espaces sonores et physiques.
Dans ces deux pièces, on perçoit le plaisir avec lequel Mourad Merzouki a emmené ces danseurs dans son univers, et comment ces derniers ont insufflé cette vitalité et cette joie de danser qui leur appartient. L’importance du collectif est dans chacune des pièces palpable. Il y a la place pour que chacun puisse s’exprimer de manière personnelle et que l’addition des énergies individuelles crée à d’autres moments une émulation incroyable.
Le travail de Mourad Merzouki est rempli de poésie. La grande simplicité avec laquelle il évoque ces sujets, permet à chacun d’accéder à ce travail chorégraphique même si l’on ne connaît que peu la culture hip-hop. On se sent concerné par l’investissement que lui et ces danseurs nous offrent. Ce qui fait souvent défaut ces derniers temps à certaines propositions chorégraphiques contemporaines.
Fanny Brancourt – Théâtre national de Chaillot Paris (mars 2010)
©Michel Cavalca