Lumineuse Cendrillon
Pour la première fois depuis sa création en 2013, Cendrillon de Thierry Malandain était joué à La Coursive. Comme partout dans le monde, le public rochelais a ovationné ce ballet néo-classique racé, malicieuse version du conte de Perrault.
D’emblée c’est le décor qui vous saisit. Trois imposants murs composés de stilettos noirs, sobrement éclairés, décor géométrique chic et choc signé de l’architecte chilien Jorge Gallardo et cadre exquis pour narrer ce conte si connu qu’est Cendrillon.
Puis la danse de Thierry Malandain s’impose dans l’écrin. Simple, intense et élégante dans ses nuances infinies de gris. Sans bousculer d’un iota son néoclassique reconnaissable entre tous, le chorégraphe biarrot propose une vision personnelle du conte oscillant entre tragique et humour. Aux trouvailles chorégraphiques, il préfère les scénographiques. Parmi les plus éclatantes : le Bal de Cour nécessitant, dans sa version originale, la présence d’une trentaine de danseurs. Par un heureux truchement, Thierry Malandain double l’effectif de sa compagnie grâce à des mannequins sur roulettes, revêtus de robes de galas. L’astuce fait son effet, tout comme la vision très queer du trio infernal du conte : la marâtre Madame de Trémaine et ses filles Javotte et Anastasie. Inénarrables, les trois garçons, crânes chauves et puants de suffisance, sont LA bonne surprise de Cendrillon qui prend, à chacune de leur intervention, des airs du Ballet du Trockadero de Monte-Carlo.
Depuis le début du 19ème siècle où elle fait ses premiers pas sur scène la souillon a inspiré, avec tant de talents, bien des chorégraphes. On l’avait adorée poupée grotesque chez Maguy Marin (1985) et starlette hollywoodienne chez Noureev (1986). Chez Malandain, c’est la sobriété, l’humour et la pureté de sa Cendrillon qui accroche instantanément. En éviter les lieux communs et les lourdeurs d’un ballet narratif , le chorégraphe signe une de ses plus belles et malicieuses pièces. Ici la danse seule structure et raconte. Louons aussi la mélomanie éclairée du chorégraphie qui a su faire ressentir la cruauté burlesque de la partition de Prokofiev mais aussi son lyrisme.
De l’amour éclot toujours de bien belles histoires. Thierry Malandain le sait bien et s’en saisit pour sublimer un ordinaire toujours plus extra à ses côtés.»
Cédric Chaory.
©Olivier Houeix