Yātrā, la danse-monde
Aventure rare, Yātrā est la rencontre exceptionnelle entre Kader Attou et Andrés Marín pour un voyage au cœur de l’Inde, contrée où furent jetées, il y a fort longtemps, les bases d’un genre : le flamenco. Joué aux Pays-Bas et en Inde, Yātrā arrive en Nouvelle-Aquitaine.
Si l’est une pièce qui porte bien son nom, c’est Yātrā – voyage en langue sankrit. Histoire de rencontre, de passerelle et de transcendance, la pièce réunit trois mondes qu’à priori rien ne prédestinait à se rencontrer : le hip hop de Kader Attou, chorégraphe à la tête du centre chorégraphique national de La Rochelle depuis 2009, le flamenco d’Andrés Marín et la musique de l’Ensemble Divana, musiciens et poètes tsiganes du Rajasthan. Mais à bien y réfléchir, on se souvient que le duo Attou-Marín avait signé en 2013, à l’occasion de la Biennale d’art flamenco au Théâtre de Chaillot, Rencontre. Un duo osé et inédit salué pour l’originalité de son écriture. Quant à Andrès Marín et l’Ensemble Divana ils possèdent un dénominateur commun : Bartabas. Les musiciens rajasthanais accompagnaient le metteur en scène-écuyer lors du spectacle Chimère en 1994 quand … 21 ans plus tard le Sévillan enthousiasmait le public dans Golgota.
À l’instar des autres maîtres du genre que sont Israël Galvan et Rocio Molina qui ont signé pour le premier TOROBOKA avec Akram Khan, pour le second Felahikum avec le duo Wang-Ramirez, délaissant ainsi pour un temps le seul en scène, Andrès Marín joue la carte du dialogue. À l’apogée d’un flamenco véloce où chaque pas est exécuté à la vitesse de la lumière, il part en pèlerinage aux sources mythiques de son art en terre indienne où les gitans y ont façonné un art indissociable de l’Andalousie. Au passage il en profite pour croiser le fer avec deux danseurs hip hop à la grâce élastique, bien connus du public rochelais : Amine Boussa et Mehdi Ouachek.
Kader Attou, ici regard extérieur, signe la brillante mise en scène de Yātrā et s’amuse du mélange des genres les fondant les uns aux autres, en une même humanité dansante. Il y a la performance athlétique du hip hop et l’immense expressivité du flamenco, l’énergie folle face à l’envoûtement des rythmes indiens. Les pas qui s’entremêlent, les voix qui se bousculent, les corps qui se séduisent …
Créé le 25 janvier dernier au Lucent Dans Teater de La Haye pour la 5e Biennale de flamenco, commande de la Philharmonie de Paris dans le cadre de son week-end Inde, Yātrā a été joué plus d’une trentaine de fois. Il sera en fin visible en Nouvelle-Aquitaine en avril-mai.
Cédric Chaory.
©Klaus Handner