Duos pour corps et instruments – Danièle Desnoyers

Sans…

La pièce chorégraphique de la québécoise Danièle Desnoyers, Duos pour corps et instruments, est aujourd’hui réinterprétée par une nouvelle distribution, les danseuses Karina Champoux, Clara Furey et Anne Thériault. Figure importante de la danse contemporaine québécoise, Danièle Desnoyers a pour particularité de créer des espaces communs entre danse et musique. La scène est pour elle, l’occasion d’aménager des dispositifs sonores incitant les corps à trouver un nouveau langage.

Pour Duos pour corps et instruments, les spectateurs sont placés en U sur le plateau à proximité des danseuses et non loin de ceux qui dirigent la technique et la sonorisation. Délimité par un tapis de danse rectangulaire blanc, l’espace de jeu des interprètes s’ouvre à tous les spectateurs leur permettant de jouer avec ces derniers tout en entrant et sortant de part et d’autre du dispositif. Enfin, sur ce tapis, trois amplificateurs sont placés sur chaque face du public, créant ainsi un lieu de rattachement, une maison, un espace intime aux danseuses. Tout émane de ces points. A partir de ces derniers, elles s’engagent dans une danse faite de torsions, de battements et croisements/décroisements de jambes, d’ouvertures de hanches, de glissements et de chutes. Les regards frondeurs, absorbés, évanescents tout autant que leurs corps, déclinent l’image d’une femme sans tabou, libre de tout carcan.

Les interprètes se soumettent au son qu’elles produisent dès qu’elles s’approchent de leur amplificateur mais aussi au sensations qui les animent près des appareils de sonorisation comme les pédales, les câbles qu’elle décident de brancher ou pas… Tout ce matériel paraît très vite sexué. L’imaginaire faisant son chemin, entre ces visages lascifs et ces corps qui se frottent, glissent sur les amplificateurs, il n’y a qu’un pas à franchir, et faire de l’objet un phallus. Ces trois femmes troublent malheureusement plus par l’incompréhension du lien qu’elles entretiennent entre elles et avec ces objets sonores, que par le rapport, qui se veut exploré, entre musique et danse. Même si le dialogue entre mouvement et son, est qualifié, comme c’est écrit dans la feuille de salle, de viscéral, on ne sent pas vraiment cet aller et retour permanent entre ces deux éléments, ni même la puissance qu’il en ressort, comme ce fut le cas notamment dans les trois pièces de la soirée Combo-Rock au festival Pharenheit, évoquées dernièrement.

Malgré la tentative de jouer entre elles, mais aussi avec les éléments scéniques, le tiraillement, la jalousie ou la complicité, les danseuses ne sont pas vraiment convaincantes. Seule Karina Champoux, remarquée plusieurs fois chez le chorégraphe québécois Dave Saint-Pierre, tire un peu plus son épingle du jeu. Notamment lorsqu’elle défile dans une gestuelle saccadée, vibrante. De temps à autre, sont projetés sur un grand écran près des techniciens, des fragments de jambes, de bras, de mains. Quel lien faire avec ce qui se passe sur le plateau ? On ne sait. Duos pour corps et instruments, est une pièce sur l’absence. L’absence de sens et de sensation. Etonnamment malgré la proximité avec les danseuses et le dispositif scénique, on reste complètement à l’écart de ce qui y est vécu.

Fanny Brancourt, Centre national de la danse (Février 2015)

©Luc Sénécal