Un Casse-noisette – Bouba Landrille Tchouda

Waze-Nwazett

Grâce au navigateur gratuit pour smartphones Waze, l’excellent conducteur de bus de la Sté Hamlet (sic) nous a acheminés en temps et sans heurt au théâtre Jean Vilar de Suresnes où l’on nous attendait impatiemment pour que commence le dernier spectacle de Bouba Landrille Tchouda, humblement intitulé Un Casse-noisette.

Nous avons déjà eu l’occasion de dire par ailleurs le bien que nous pensons du phénomène Bouba, remarquable danseur proche de la galaxie hiphopienne, devenu, en peu d’années, finalement, chorégraphe accompli. Il bonifie tout ce qu’il touche et, précisément, il nous touche, par ses maladresses y compris. Il a le sens du tempo, de la durée idéelle, sur le papier comme sur scène, des choses du show, il sait alterner temps forts et nettement plus alentis, il ne vise pas la virtuosité, sachant que celle-ci peut vite être dépassée.

Dans le cas présent, Bouba est parti de la trame du conteur, compositeur à ses heures, Ernst Theodor Amadeus Hoffmann, Nußknacker und Mäusekönig (1816) revue et corrigée (en 1844) par Alexandre Dumas Senior, enrichie des evergreens postromantiques (1892) de Piotr Illitch Tchaïkovski, qu’il s’est autorisé de son propre chef à altérer, condenser et remixer. Le récit originel est une mise en abyme, pour ne pas dire une mise en boîte, comme les paquets-cadeaux dont il traite, le personnage du conteur (tantôt parrain, tantôt l’oncle de la petite héroïne, prénommée Marie dans le conte et Clara dans le ballet) intervenant au milieu de l’action. Le casse-noisette, cadeau de Noël reçu par la fillette, objet transitionnel s’il en est, se changera en prince charmant ; les autres jouets et automates s’animeront à leur tour dans des rêves nocturnes où l’on en distingue plus féerie et quotidien, désir et réalisation.

À la musique de Tchaïkovski, Bouba a collé plusieurs mixes signés Yvan Talbot qui ont précisément pour objet ou pour effet de ramener tout le monde au réel (cf. par exemple la valse des serpillières, pour ne pas dire « scène de ménage », qui s’inspire probablement d’un autre conte : celui de Cendrillon). Les costumes de Claude Murgia sont pimpants à souhait. La distribution est épatante et les danseurs méritent tous d’être nommés : Aïda Boudrigua, Sophie Carlin, Mélisa Noël, Sonia Delbost-Henry, Emilie Tarpin-Lyonnet, Thalia Ziliotis, Bernard Wayack Pambe, Ricardo Venancio De Oliveira, Cédric Guéret, Nicolas Majou, Hichem Sérir Abdallah.

Il faut dire que la mayonnaise prend : le hip hop ou, plutôt la danse de Bouba, des plus singulières qui soient, cohabite sans aucun problème avec le lyrisme russe, le grand spectacle pour fêtes de fin d’année, la production opératique. Aucune sensation de malaise, ici, de forçage, de plaquage. Tout le contraire, une joie explosive, un premier degré sans prétention, une énergie qui enthousiasme tout le monde, petits et grands.

Nicolas Villodre, Théâtre Jean Vilar Suresnes

©Fabrice Hernandez