Re:Zeitung, Anne Teresa De Keersmaeker et Alain Franco

Ré(e)création

P.A.R.T.S Foundation, la nouvelle initiative de l’école de danse P.A.R.T.S. et de la compagnie Rosas a pour activité la production du spectacle Re:Zeitung. Cette re-création à partir de Zeitung qui fut initialement créé en 2008 avec des danseurs de la compagnie Rosas, fait suite à un travail de composition avec six étudiants en dernière année de l’école P.A.R.T.S. (promotion 2011-2012) ; six jeunes hommes venus de différents pays (Brésil, France, Maroc, Tunisie), et au bagage chorégraphique divers. Les interprètes ont d’abord travaillé sur la matière chorégraphique de Zeitung avec deux des danseurs de la création d’origine puis encouragés et accompagnés par Anne Teresa de Keersmaeker, ils y ont intégré de nouveaux éléments.

Dans Zeitung, la chorégraphe flamande et le pianiste Alain Franco mettaient en exergue la relation entre musique et danse. Une écriture relevant de compostions et d’improvisations. Danse et musique se trouvent à la croisée de chemins. Elles s’appuient l’une sur l’autre, s’observent, se détachent l’une de l’autre. Elles ne cherchent pas forcément la ressemblance, ou une proximité linéaire, mais plutôt des moments de rencontre, de partage. La singularité du vocabulaire musical et du vocabulaire chorégraphique se conjuguent pour créer de l’inédit. Le temps et l’espace de la danse comme ceux de la musique s’imbriquent, s’observent. D’élans communs, chacun s’autonomise pour dire la différence et le lien.

Re:Zeitung interroge de la même façon que Zeitung, cette relation fondatrice entre danse et musique. Aux deux éléments essentiels de la danse, temps et espace, s’ajoute celui de poids. La danse d’Anne Teresa de Keersmaeker, est empreinte de ce transfert de poids permanent. Même tranchante, sa danse garde une forme de fluidité de légèreté. Les six interprètes parfaitement aguerris à ce vocabulaire, semblent balayer l’espace sur la pointe des pieds, sans faire de bruit, ils passent d’un appui à l’autre, d’une direction à l’autre avec une douce assurance. Volubiles, ils s’emparent de la scène comme d’un plateau de jeu dont les règles leur seraient données par la musique et l’écriture chorégraphique. Ils empruntent alors des chemins de traverse, s’en égarent. Ils sont avec la musique, sans la musique, en contrepoint. Reprennent la partition de l’un pour l’emmener ailleurs. De ce que l’on pourrait prendre pour une relative cacophonie, émane une grande jouissance. Un énorme plaisir de voir et de ressentir ces accords/désaccords. Ces choix d’aller vers, d’aller contre, d’aller avec.

Louis Combeaud, José Paulo Dos Santos, Youness Khoukhou, Renan Martins de Oliveira, Radouan Mriziga et Mohamed Toukabri, les six danseurs de Re:Zeitung, donnent un souffle particulier à cette pièce. Au-delà de leur qualité de jeunes interprètes, des personnalités se dessinent et donnent une force supplémentaire à cette création. Elle devient autre chose qu’une simple transmission. Par leur présence, ils renouvellent la poésie et la magie de cette écriture chorégraphique unique.

Fanny Brancourt, Théâtre de la Bastille Paris (Octobre 2013)

©Anne Van Aerschot