La danse, point levé
« Etre danseuse étoile ou Jésus Christ… Jésus Christ c’était déjà pris… » ce sont quelques uns des propos non sans humour, qui jalonnent Debout !, la dernière création de Raphaëlle Delaunay. Solo d’une trentaine de minutes, elle y retrace ses souvenirs d’interprète au sein de grandes compagnies.
Diplômée de la Royal Academy of Dance de Londres, coryphée à l’Opéra de Paris, la rencontre avec Pina Bausch va bouleverser sa vie. Trois ans plus tard, elle suit un autre chemin qui la mène au Nederlands Dans Theater de Jiri Kylian, où elle rencontre cette fois Alain Platel. Petit à petit, la danseuse enrichie d’univers variés, tant techniquement, chorégraphiquement que théâtralement, crée ses propres chorégraphies et fonde en 2006 la compagnie Traces.
Avec Debout !, Raphaëlle Delaunay mêle à la danse des instants partagés au sein de différentes compagnies, des réflexions personnelles sur son art et notamment sur ce que signifie être danseuse noire, au sein du ballet de l’Opéra de Paris en particulier et dans son parcours en général. Sans trop insister là-dessus mais avec détermination elle tente aussi d’éclaircir ce qui s’impose sur un plateau et lors d’une audition.
Cette chose pourtant si difficile à définir, de l’ordre de la présence, de ce qu’un interprète dégage plutôt qu’un autre. Tout n’est que sensation, feeling comme diraient les anglophones. Le feeling, mot qui paraît désuet car employé à tout va, mais qui ici convient parfaitement à cette femme qui en est chargé. A la regarder évoluer en jean, tee-shirt et baskets, les cheveux au vent, on comprend tout de suite ce qui a pu toucher les chorégraphes avec lesquels elle a travaillé.
Tout dans sa danse émeut. Le regard, le sourire qu’elle porte aux spectateurs en s’adressant à eux simplement, directement sans racolage, sans fioritures ; mais aussi ses qualités techniques de tenue, de lâcher prise qui lui permettent de danser toutes sortes de choses avec une énergie incroyable à la fois féminine et masculine, une puissante douceur, une juste force, le tout dans un swing, une rythmicité faite de résonnances et de multiples couleurs.
Quel plaisir de voir cette belle danseuse partager ses moments de danse, ses moments de vie qui l’ont construits. Jubilatoire, Debout ! est un acte sensible qui donne envie de danse et de danser. Alors levons-nous !
Fanny Brancourt – Paris Quartier d’été (Aout 2013)
©Laurent Philippe