Le corps et ses espaces
Une chaude lumière révèle délicatement le visage puis le corps d’une jeune femme. Au plus proche du public, le regard clairement adressé aux spectateurs, Danya Hammoud ne nous quitte pas des yeux. La jeune libanaise diplômée en théâtre de l’institut des Beaux-Arts de Beyrouth, formée au CNDC d’Angers et titulaire d’un master de recherche en danse de l’Université de Paris 8, défend avec Mahalli, les espaces liés au corps et sa place comme territoire.
Mahalli signifie en Arabe à la fois, local ainsi que « ma place ». « Avant de donner à voir des mouvements et des idées, je tente donc de donner à voir un corps et, en l’occurrence, le mien. Car mon territoire, c’est d’abord mon corps. »
Telle est l’une des principales intentions de la chorégraphe. Ce corps parcimonieusement mis en lumière au début et à la fin de la pièce, traverse des territoires émotionnels forts, tout en se déplaçant dans un espace restreint. Chacun de ses regards et de ses gestes sont posés, déposés et donnés. Cette jeune femme aux mille visages prend possession de son corps, le revendique. L’espace est lui aussi revendiqué. Il n’est pas question d’éparpillement, de fuite. Face aux menaces extérieures, l’instinct et l’animalité, qualités propres à l’être humain, permettent au corps de rester debout. Le corps devient le seul espace d’expression possible. Il en va de la survie de cette femme. Mahalli est, de ce point de vue, une pièce haletante.
L’attention et la tension sont aussi bien perceptibles dans le public que chez la danseuse. Un aller-retour s’opère dès le début de la pièce où le spectateur attentif au moindre changement du visage, dans un silence total, renvoie à la danseuse un espace possible de transformations, de mouvements. Celle-ci s’en empare avec la plus grande délicatesse, tout en puissance. Les gestes précis déterminent les déplacements et l’identité de cette jeune femme.
Corps outil, corps matière, corps territoire, Danya Hammoud aiguise, découpe, révèle, suggère, et affirme des identités liées au monde actuel. Pièce courte de trente-cinq-minutes, Mahalli, interroge le corps comme le lien entre soi et les autres. Les espaces qui nous lient et relient comme ceux qui nous séparent. Belle rencontre à suivre.
Fanny Brancourt – Atelier de Paris CDCN (Juin 2013)
©Meike Lindek