Apesanteur
L’après-midi d’un foehn, est l’occasion pour l’artiste aux multiples casquettes, Phia Ménard de reprendre le prélude de Vortex. Elle développe ici un travail toujours aussi minutieux, sobre et poétique. La pièce s’adresse entre autres à un public d’enfants. Public à l’imaginaire immense, plongé dans un espace/temps proche du rêve, de la magie, des contes. Les adultes ne restent pas moins bouche bée, à en voir ceux qui m’entouraient, moi y compris.
Le découpage et collage de sacs plastiques colorés, sont le préalable à cette histoire d’êtres fragiles qui ne prennent vie que par la force de l’air de ventilateurs. L’application avec laquelle l’interprète fabrique ces marionnettes, nous fait entrer doucement dans un univers circulaire. Un univers de peu de choses. De la décroissance et de la juste utilisation.
Le plateau, rond entouré de ventilateurs réglés de différentes manières, invite ces marionnettes de plastique, à la spirale. Délicatement déposées, dépliées l’une après l’autre, chacune prend vie, oscille, s’élève, s’ancre. Elles dansent comme bon leur semble. S’appellent pour un pas de deux ici, une valse là, quelques poursuites…
La façon dont ces sacs s’animent, révèle une incroyable ressemblance avec les comportements humains. Cette projection que l’on peut faire dans ces petits êtres au corps fragile, fonctionne complètement. Une communauté d’individus aux caractéristiques différentes, notamment la couleur, est née. Autonome, elle ne semble pas souffrir d’une présence extérieure. Pourtant petit à petit celui qui leur a donné vie, va les guider, les faire voyager, à l’aide d’un parapluie, de baguettes télescopiques. Une autre danse émerge alors et de nouveaux rapports se créent. Enfin quand toute la communauté quitte le plateau, c’est au tour d’un immense dragon doré, à la même fragilité d’entamer un ballet féérique. Reliant sans cesse le ciel à la terre, tourbillonnant avec douceur et assurance, une incroyable aura s’en dégage. On est subjugué, étonné par ces circonvolutions fluides et gracieuses autant que par la puissance qui s’en dégage.
Tous ces moments sont accompagnés de l’œuvre du même titre de Claude Debussy et de compositions sonores originales d’Ivan Roussel. On est ainsi plongé entre rêve et réalité. Un monde nouveau, majestueux où l’espoir, la vie et la mort _thèmes fondamentaux_ se mêlent avec grandeur.
Phia Ménard réussie avec cette variation de L’après-midi d’un foehn, à nous éblouir sans paillette. Elle s’adresse aux petits et aux grands avec une grande simplicité. Jongle avec des choses qui semblent à première vue impossible à dompter. Le marionnettiste n’est que très rarement en contact avec ses marionnettes. La liberté est la seule valeur qui vaille. Magnifique spectacle qui vous porte et vous transporte vers la beauté sans fard.
Fanny Brancourt – 104 Paris (Juin 2013)
©Jean-Luc Beaujault