Nos images – Monnier

Plans rapprochés

« On échoue toujours à parler de ce qu’on aime », disait Roland Barthes, cité en ouverture de Nos images par l’écrivain cinéphile Tanguy Viel. Et c’est peut-être parce que « l’on échoue toujours à parler de ce qu’on aime » qu’on s’y essaie avec cœur. Trio de cœur, les danseurs Mathilde Monnier et Loïc Touzé, se joignent à Tanguy Viel pour exprimer leur amour du cinéma. L’écrivain prend le rôle du narrateur tandis que les danseurs, à partir d’improvisations nous donnent à voir, à sentir le cinéma évoqué.

Truffées d’humour et de poésie les séquences dansées ne cherchent pas à illustrer les propos critiques, drôles parfois distanciés de l’écrivain. Elles sont bien plus. Leur proximité tend à l’évocation, à des émotions, au souvenir collectif et/ou individuel. Loïc Touzé s’improvise en Louis de Funès, (chaque partie de son visage devient l’occasion d’un véritable ballet), incarne sans équivoque la classe d’un Gary Grant. Une gestuelle souple et fine où l’imaginaire s’engouffre avec plaisir pour retrouver des images, des moments de cinéma devenus incontournables. Mathilde Monnier de son côté, revêt le costume de Musidora dans les films de Feuillade (à la fois troublante et comique dans ce costume lié à un autre temps du cinéma) ou encore devient « une femme sous influence » qui s’accroche indéfectiblement à celui qu’elle aime.

Le simple rai de lumière émis par un projecteur et des vestes noires pailletées portées par les danseurs évoquent l’univers des comédies musicales. Ils dansent côte à côte, puis s’éloignent par des glissades improbables. Le geste se fait lent puis rapide. Chaque partie du corps traversant la lumière subjugue. Les visages se laissent deviner, on perçoit alors le plaisir de danser dans cette « boîte de nuit » ; de passer de l’ombre à la lumière en toute sensualité. Le charnel se déploie avec délectation.

Se succèdent soli et duos. Tanguy Viel n’est pas en reste. Il occupe le plateau à sa façon, reculant sur sa chaise avec sa table de lecture, déplaçant cette chaise roulante en plein milieu de la scène pour nous entretenir des villes comme Rochefort ou Cherbourg qui ne seraient rien sans le cinéma… Son texte est littéraire, plein d’esprit avec des questions de fond comme : « la virilité à l’œuvre dans la critique de cinéma ».

Nos images, est un vrai plaisir de danse, de cinéma, de lecteur, d’une délicate finesse. On en ressort le cœur content, le corps ému par tous les sens mis en éveil. D’où la déception relative, lorsque arrive la dernière séquence. Questionnaire vivant sur le cinéma qui nous ait adressé. Les trois artistes nous font part des différentes questions et réponses possibles. On aimerait à la fin de ce dernier (là encore plein d’humour), qu’ils repartent de nouveau dans leurs considérations et perceptions du septième art. Mais c’est la fin. Les 24 images par seconde ont défilé sans que l’on s’en aperçoive.  A nous alors de créer notre cinéma.

Fanny Brancourt – Théâtre de Vanves (Février 2013)

©Caroline Ablain