
Toulouse: un lieu tout neufneuf pour la danse
À Toulouse, le NEUFNEUF [Compagnie Samuel Mathieu] et le RING – scène périphérique unissent leurs forces pour créer un nouvel espace culturel : Le Lieu NEUFNEUF. Né d’une urgence économique et artistique, ce projet entend éviter la disparition d’un lieu tout en préservant un territoire de liberté pour les artistes. La danse et le mouvement en seront les piliers, dans la continuité des missions partagées du RING et du NEUFNEUF : soutenir les émergences, les formes performatives et les écritures contemporaines. Le pourquoi du comment par Samuel Mathieu, directeur du Lieu NEUFNEUF.
Pouvez-vous revenir sur cette fusion/absorption de NEUFNEUF [Compagnie Samuel Mathieu] et de RING – scène périphérique ?
C’était une évolution logique et presque évidente : deux structures portaient déjà un projet singulier mais commun. D’un côté NEUFNEUF [Compagnie Samuel Mathieu], avec son festival et sa compagnie ; de l’autre, le RING – scène périphérique, lieu culturel.
Situé aux Sept-Deniers à Toulouse, le RING était consacré aux arts vivants contemporains (théâtre, danse, musique, performance) et favorisait l’expérimentation artistique. Le public pouvait y découvrir spectacles, festivals et sorties de résidence, tandis que les artistes y trouvaient résidences, accompagnement et espaces de travail. Fonctionnant comme une coopérative, le lieu accueillait aussi des entreprises pour des locations. Le RING fédérait autour de lui des équipes partageant la même philosophie et la même envie de créer, en totale adéquation avec l’esprit du lieu. Même si sa vocation n’était pas de financer directement les créations, il existait de nombreuses passerelles avec le festival NEUFNEUF, notamment par le biais de co-productions qui compensaient les difficultés de diffusion.
Le RING était soutenu par la Ville, le Département et la Région, mais les financements restaient insuffisants pour assurer sa survie dans le contexte actuel. La DRAC Occitanie s’intéressait au projet, mais peinait à l’identifier clairement. Or, plusieurs lieux ont récemment fermé en Occitanie, et le RING demeurait l’un des derniers espaces toulousains dédiés aux résidences axées sur la recherche en danse, théâtre et écritures contemporaines.
Ces derniers mois, deux options se dessinaient : la fermeture pure et simple, ou la transformation en simple lieu de location. Avec l’ancien co-directeur Christophe Bergon, nous avons proposé que l’association portant la Compagnie Samuel Mathieu reprenne l’ensemble de l’équipement pour en faire un lieu vivant. Le projet de fusion/absorption est apparu comme la solution la plus viable pour éviter la disparition d’un espace de création et de recherche.
C’est un échange de bons procédés et de mutualisation : les activités, les philosophies et les esthétiques se sont toujours rejointes. Le nouveau lieu NEUFNEUF est donc devenu un espace dédié prioritairement à l’art du mouvement et à la danse, mais aussi au théâtre. Il suit les évolutions actuelles, qu’elles soient politiques, philosophiques, esthétiques ou scénographiques.
Quelle sera la ligne artistique de ce lieu ?
Elle s’inscrit pleinement dans la continuité du NEUFNEUF : plurielle, transdisciplinaire et curieuse de toutes les recherches actuelles sur l’art du mouvement, la dramaturgie et la performance, au sens historique du terme. Avec Christophe, qui quitte l’équipe de direction, m’accompagne toujours sur ce projet dans les choix de programmation – notamment pour l’accueil et les collaborations performance/arts plastiques théâtre et musique – nous continuons de tracer un sillon dont la région Occitanie a vraiment besoin.
Vous ouvrez donc votre lieu à l’Occitanie… et bien au-delà ?
Absolument. Bien au-delà de la périphérie toulousaine. J’ai toujours œuvré dans ce sens avec NEUFNEUF, et plus récemment en étant à l’origine du Réseau Danse Occitanie (RDO), lancé en novembre 2021 pour structurer et dynamiser la filière professionnelle de la danse. Il s’agit de partager les coproductions et de faire circuler les artistes occitans sur tout le territoire et de recréer ici et là un dynamique de diffusion.
Par ailleurs, je souhaite ouvrir le lieu à l’international, créer des ponts entre l’Occitanie et l’Europe. Même si cette dimension n’est pas encore très présente cette saison, je trouve enrichissant de voir comment les pratiques chorégraphiques, dramaturgiques et performatives se développent à l’étranger et de comprendre ce que les publics apprécient ailleurs. Nous avons tout à gagner à nous connaître, à échanger et à croiser nos recherches et idées.
Quelle est la stratégie pour le projet sur le long terme ?
Nous posons aujourd’hui les bases du projet, mais c’est en 2026-2027 que la dynamique sera pleinement impulsée. La fusion de nos équipes administratives a été réalisée en seulement six mois, en respectant les échéances comptables de fin juin, sans aucun licenciement, ce qui constitue un véritable tour de force. Cette année, nous nous concentrons sur la saison 2025-2026.
Quels en seront les temps forts ?
Le festival NEUFNEUF, du 4 au 28 novembre, sera incontestablement le moment phare. Cette année, il irriguera l’Occitanie, avec des escales à Albi et Tarbes. Sans être exhaustif, voici quelques artistes programmés : Le collectif FAIRE, rendant hommage au regretté Ousmane Sy, Louison Valette, qui propose un solo et des projets collaboratifs après un parcours d’interprète dans ma compagnie, Clarissa Baumann, du collectif COHUE, dont j’apprécie l’approche performative, Christophe Legoff, artiste local engagé dans une démarche de recherche et d’écriture. En co-accueil avec la Place de la danse – CDCN, nous accueillerons, entre autres également, MOS d’Ioanna Paraskevopoulou et Flora Detraz, soutenant notre ambition de créer un lieu ouvert et connecté, au cœur de la création contemporaine.
Propos recueillis par Cédric Chaory
© Laura Vanseviciene