Break – Bruce Chiefare

Les guêpes fleurissent vert – L’aube se passe autour du cou – Un collier de fenêtres – Les ailes couvrent les feuilles – Tu as toutes les joies solaires – Tout le soleil sur la Terre (La terre est bleue comme une orange – Paul Eluard)

Et de le voir danser une nouvelle fois, mon cœur a fait gup ! Bruce Chiefare ou la fluidité qui coule naturellement d’un squelette à l’autre. Calmement consumé par le désir de danser, de partager, il laisse l’onde courir de la pointe du pied à la main délicate, posée sur le plancher. Sans chercher à la contraindre, dans une maîtrise absolue. Un pacte avec le sol vient d’être signé ici. C’est le dessin précis d’une estampe qui se déroule sous nos yeux. L’énergie de l’empreinte, de la gravure, est amenée là, par ce danseur aux multiples expériences, boule à facettes qui pétille de l’intérieur.

Tous ses univers, ses voyages oniriques, toutes ces petites personnes que nous sommes aujourd’hui rassemblées en un centre orangé, vibrant. Le monde de Bruce Chiefare évolue entre une pointe de pieds vers le ciel et une main de craie dans une cour d’école. A son échelle, toujours inversée, il mesure notre humanité, il nous regarde d’en bas, inframonde de la danse. Tel une racine de bonsaï, aube d’un mouvement naissant.

Il nous relie en se reliant lui-même, il parcourt sans relâche le chemin de la gravité, en duo, seul dans une cour d’école. C’est ainsi qu’il nous touche, de par son sourire délivré, de par cette technique imparable, cette humanité confiante.

Entre la pointe du pied et la main posée sur le plancher, la ligne, toujours présente, toujours précise trace pour nos yeux néophytes des points de fuite. L’image est nette. L’écriture surgit, au départ fortuit, de plus en plus réelle. Palpable elle est là et ne demande qu’à être lue. En nous intégrant dans son rêve, en nous incorporant dans son squelette, Bruce Chiefare nous déplace tranquillement. On sort augmenté de cette expérience de corps corpus partagé sans être dispersé. Expérience de Danse. Parce que la vie est bien là et que la vie c’est bien tout cela après tout : ÊTRE AUGMENTE, par la puissante délicatesse de l’Autre, par le don de sa personne. Ici ce matin dans une cour d’école, ‘la Terre est bleue comme une orange’. Entre la pointe du pied vers le ciel et la main posée sur le corps de l’Autre, « Un je ne sais quoi, Un presque rien » de l’ordre de la vulnérabilité et de la force invincible.

Léone Beausoleil

©pradal_photo

Vu dans le cadre du festival Waterproof (Rennes)