Christophe Béranger et Jonathan Pranlas-Descours

Chez les Sine Qua Non Art

Duo de chorégraphes rochelais qui tourne dans le monde entier, Christophe Béranger et Jonathan Pranlas-Descours entendent trouver leur lieu dans la cité maritime, cité qui manque cruellement d’espace de création et diffusion. Il semblerait qu’ils en aient trouvé un parfait … Explications.

Vous lancez aujourd’hui un appel à dons pour la création de l’Atelier SQNA lieu dédié à la recherche, la création et en partage. D’où part ce projet ?

Il y a deux choses : d’abord le fait que cela fait maintenant bientôt 8 ans que nous sommes sur le territoire et que, sans relâche, nous y transmettons et enseignons mais le fait de ne pas avoir de lieu, Jonathan et moi-même avons le sentiment qu’une empreinte dans la ville ne s’est pas faîte. On a souvent l’impression que les Sine Qua Non Art sont là, sans être là. Or, c’est important pour le public, et pour nous, d’avoir cette empreinte.

La deuxième chose est que nous avons un bureau mis à disposition par la Mairie au sein du Centre Intermondes, mais depuis 6 mois celui-ci a subi un important dégât des eaux : son plafond s’est effondré en partie, ses murs sont de véritables éponges … nous avons dû le vider. Ce bureau est aujourd’hui totalement insalubre et les travaux, lenteurs administratives oblige, ne seront pas effectués avant de nombreuses semaines. Nous travaillons depuis chez nous, dans notre salon et on commence à entrevoir les limites d’une telle situation. La ville nous a très gentiment offert une solution de repli mais je pense que nous sommes aujourd’hui désireux d’avoir notre lieu.

Où se trouve cet espace ?

Il s’agit de l’ancien atelier du peintre Vincent Ruffin, situé non loin de la caserne des pompiers de Mireuil. C’est un local de 100m2 où nous imaginons pouvoir installer à la fois notre bureau et nos espaces de création, de répétition, de stage et de stockage des décors. Nous devons y faire quelques travaux d’où notre appel à collecte. Il ne s’agit pas d’avoir un lieu parfait car c’est un lieu éphémère, soumis au droit au bail mais un plancher (le sol est actuellement en béton), un système d’isolation pour lutter contre l’humidité, un système de chauffage efficace et économe et la construction de coffres de rangements sont nécessaires.

Espace de création, de répétition, de stage et de stockage des décors … l’atelier SQNA pourra t-il aussi diffuser de la danse ?

Non, il ne sera pas envisageable dans ce lieu de performer car nous ne serons pas en capacité d’accueillir du public. Et puis c’est important pour nous de garder le lien avec les lieux qui sont dévolus à la programmation artistique. Mais travailler avec des publics différents, faire sortir des gamins de leur école : oui ! Nous apprécions la chance d’enseigner au Conservatoire ou dans les locaux de La Coursive mais cela projette aussi l’idée que la compagnie est en place, que ça roule … mais non tout ne roule pour la compagnie. Sans faire dans le misérabilisme, et comme de nombreuses compagnies de danse contemporaine indépendantes, nous développons énormément d’énergie et de passion pour très peu de retombées financières. Aussi évoluer avec des publics dans notre propre atelier – qui sera un cocon très modeste – montrera une toute autre image de la compagnie, plus ancrée dans sa réalité économique.

Nous avions fédéré avec PAN (Permanence Artistique Nomade), en 2016 et 2017, tout un public amateur sur la ville de La Rochelle, orphelin en danse contemporaine. Au-delà de la danse contemporaine d’ailleurs, il s’agissait de se retrouver un dimanche par mois à La Coursive autour du corps en mouvement. Ces amateurs ont été très déçus de la disparition de ce dispositif. Ils ont manifesté leur désarroi auprès de la mairie. Aujourd’hui l’atelier SQNA pourrait réactiver ces rendez-vous.

Vous décrivez cet atelier comme « un espace où les idées prennent corps ». C’est à dire ?

C’est important pour nous : cet atelier sera comme le cœur de notre projet artistique. Jusqu’à aujourd’hui on nous a souvent dit : « Mais comment vous vous faites tout cela ? » comme si nos nombreuses actions et créations s’apparenteraient à de la dispersion alors qu’en fait nous sommes extrêmement centrés. D’avoir ce cœur là, qui bat à La Rochelle, ce lieu physique, démontrera notre équilibre et l’essence de notre compagnie.

Nous rêvons de stages sur le weekend : qu’ils soient de danse pure, mais aussi des stages autour de la danse et l’ostéopathie, de la danse-théâtre. Nous avons beaucoup de rêves avec Jonathan, voyons ce que l’avenir nous réserve avec l’Atelier ! L’idée est aussi de montrer qu’avec bien peu on peut arriver à du résultat. C’est un peu ce que nous faisons depuis les débuts avec la compagnie : avec pas énormément de soutiens nous arrivons à développer des choses. Nous ne visons pas là l’indépendance totale… de toute façon quasi impossible à obtenir !

Propos recueillis par Cédric Chaory