Hatched, Mamela Nyamza

Etre soi malgré tout

Mamela Nyamza fait partie de ces chorégraphes performeuses sud-africaines que l’on découvre un peu plus, notamment grâce au focus fait par les saisons Afrique du Sud-France 2012/2013. Formée à la danse classique en Afrique du Sud, puis chez Alvin Ailey à New-York, c’est avec un bagage technique solide que la danseuse et chorégraphe revient dans son pays. Depuis elle n’a cessé de créer des pièces engagées Shift, Kutheni qui dénoncent notamment la violence faite aux femmes.
Avec Hatched, elle parle de sa propre histoire et de son parcours de femme xhosa (une des ethnies sud-africaines) au sein d’une société castratrice dans laquelle les rôles sont clairement définis et dont il est difficile de s’émanciper.
Dos nu, vêtue d’une jupe pinces à linge, chaussée de pointes, elle suit minutieusement, un saut à la main, la corde à linge tendue en fond de scène. L’image est belle, mais pas que. Elle évoque déjà le rôle d’une femme au foyer n’existant qu’à travers les tâches ménagères qu’elles effectuent.
Mamela Nyamza libère pas à pas ce corps de femme corsetée, bien que son buste soit nu, par les convenances et bienséances. Le chemin est contraint et la voie de la liberté nécessite obstination et foie. C’est ce qui apparaît immédiatement dans la danse de Mamela Nyamza. Riche de sa formation classique contemporaine et jazz, elle détourne les codes, les déplaces s’en sert afin de s’affranchir de ceux qui jalonnent son parcours. Petit à petit ce corps longiligne, sculptural, dépasse les rails dans lesquels on voudrait l’enfermer. Il ne s’agit pas de dérailler mais bien au contraire de s’ancrer davantage dans son être profond de le laisser s’exprimer pleinement. Après avoir vêtu au sens propre comme au sens figurer différents rôles, elle devient alors cette femme dansant le peacok (le cou et la tête vont et viennent vivement tel un paon) au son des musiques urbaines sud-africaines.
Légère et puissante, complètement incarnée à la manière d’un Vincent Mantsoé, Mamela Nyamza exulte. Le geste est vif, précis, les déplacements glissent sur les airs de guitare.
Malgré quelques imperfections ou dissonances de mise en scène, ou encore la présence de son fils sur scène qui peint (présence qu’elle justifie parce qu’il était à ces côtés pendant la création de la pièce), la chorégraphe nous invite à l’écoute, à l’attention portée au chemin de cette femme qui est sans nulle doute révélateur de celui de bien d’autres femmes sud-africaines. La scénographie est truffée de belles idées comme ce fil à linge où des vêtements rouges se succèdent et nous renvoient à des moments de vie de la jeune femme.
Comme ces pairs Robyn Orlyn, Nelisiwe Xaba, Boyzie Cekwana, Mamela Nyamza n’hésite pas à faire de la danse un champ des possibles. Un art permettant d’exprimer mots et maux d’une société en continuel bouleversement. Elle s’engage à dire, se positionne sans concession pour que chacun d’entre nous puisse prendre à son tour conscience et se placer dans un monde troublé.
Artiste à suivre sans hésiter.
Fanny Brancourt – Théâtre 13 (Juillet 2013)

©(DR)