Gustavia, Mathilde Monnier et La Ribot

« Ce sont des femmes qui exultent »

Gustavia créé en 2008 pour le festival Montpellier Danse, poursuit son chemin autour du burlesque et de la question de la représentation. Familière des performances la danseuse et chorégraphe d’origine madrilène, La Ribot rencontre une autre danseuse et chorégraphe la française Mathilde Monnier. Ensemble, elles créent ce spectacle qui n’est pas vraiment un objet chorégraphique non identifié, mais plutôt une forme originale d’entretien, au travers duquel elles abordent des thèmes comme la mort, être artiste, être femme, la représentation.

Tous ces thèmes sont traités de manière burlesque, ludique avec beaucoup de sérieux. Comme s’ il était indispensable à un moment donné de se poser les bonnes questions. Scène sur la scène, de grands rideaux noirs derrière lesquels elles peuvent se cacher, apparaître et disparaître avec plus ou moins de surprises, redéfinissent l’espace. Au sol une sorte d’énorme tissu noir recouvre le plateau. Celui-ci devient une matière palpable, malléable sous lequel on peut là encore se cacher, se faire oublier ou susciter l’émotion.

Mathilde Monnier et La Ribot s’en donnent à cœur joie dans l’exploration de cet espace qui avec peu d’éléments, génère gags et séquences complètement loufoques. Du personnage prétentieux s’écoutant parler sur la mort et surtout sur celles des autres, à celui qui une planche à l’épaule va et vient et dont chaque changement de direction est propice à renverser l’autre sans s’en rendre compte, les ressorts comiques apparaissent clairement. Les qualités de ces propositions et leur incarnation permettent au spectateur d’entrer dans cette danse si particulière. Car c’est bien de danse dont il s’agit ici, quand bien même des univers artistiques différents peuvent s’y glisser. Le corps est un prétexte à exposer, à s’exposer et souvent à exploser.

Une main sur un genou retroussant un pantalon, devient quelque chose d’essentiel dans l’affirmation de soi, dans ce que l’on donne à voir, et dans ce que l’on projette chez l’autre. Ce duo complice et malicieux joue avec les conventions du théâtre et de la représentation tout en ironisant. Juchées sur deux tabourets, elles s’accrochent aux rideaux et s’amusent à y rester le plus longtemps possible ; autre jeu, celui d’énoncer des vérités (fruits d’un imaginaire débordants au réalisme parfois percutant) sur la femme.

Toujours debout, sur ces tabourets en fond de scène, elles scandent tour à tour puis ensemble, ce qu’est une femme. La parole rebondit sans cesse de l’une à l’autre, l’une sur l’autre. Elle s’entasse, s’ajoute, s’annule, se soustrait. Ponctuée par des gestes grandiloquents, anodins, grimaçants. Les corps expulsent, des histoires de femmes se tissent : des femelles animales, des femmes politiques, des femmes policées, mais aussi des femmes écoeurantes, exaspérantes, méchantes et/ou belles.

Gustavia pose la question de l’artiste et de l’art en général, en prenant des routes et des virages à des degrés variés. Avec cette pièce, Mathilde Monnier et La Ribot donnent la parole (verbes et silences confondus) à leur corps de métier et bien au-delà. Et on y prend goût.

Fanny Brancourt – Théâtre de la Cité Internationale, Paris (Avril 2013)

©Marc Coudrais