Vertical road, Akram Khan

Naître de ces cendres

Akram Khan est un chorégraphe de coeur. Un chorégraphe chorale. Qu’il soit sur scène, (incroyable création Zero Degrees avec Sidi Larbi Cherkaoui ou encore Sacred Monsters avec Sylvie Guillem) ou qu’il chorégraphie de jeunes danseurs venus d’horizons divers, Akram Khan donne à voir et à entendre ce dont le coeur peut témoigner. Ce qui le touche, il le transpose sur scène avec une belle générosité. Il a cette capacité à réunir des danseurs (ou non danseur comme Juliette Binoche récemment) pour leur faire traverser un chemin qui lui est propre mais nourrit de l’expérience de chacun. 

Vertical Road est une fois encore la restitution de ce partage. Ici huit danseurs venus d’Asie, d’Europe et du Proche-Orient, se jettent avec ferveur dans cette nouvelle proposition du chorégraphe.

Un homme derrière une énorme membrane cherche à entrer en contact avec l’autre monde. Il fait vibrer cette membrane jusqu’à la faire tomber et être parmi les autres. Ces autres qui ne semblent pas être du même monde. D’abord au sol, enduits d’une poussière de cendres, leur présence est fantomatique. Seul le danseur de l’autre monde semble ancré dans ce dernier. Il interroge ces morts-vivants, les poussent à s’extraire de cette léthargie dans laquelle ils se trouvent.

Le chemin emprunté par Akram Khan est celui où se mêlent horizontalité et verticalité. Le monde du matériel dans lequel nous sommes pour la plupart, qualifié d’horizontal et le monde du spirituel vers lequel on tend, qualifié lui de vertical. Vertical Road s’inspire du poète et philosophe Roumi instigateur du soufisme.

On sent ces va et vient entre un ancrage nécessaire à la terre et cette quête incessante qui permettrait à l’âme de s’élever. La danse d’Akram Khan s’inscrit magnifiquement bien dans ces chemins qu’il choisit d’emprunter. L’ancrage est une des qualités de la danse Kathak qu’il pratique depuis son enfance, elle est aussi liée à tout une symbolique et une tradition, qui sont à la fois les racines et les branches d’un même arbre. Mais Akram Khan a aussi développé de par sa formation en danse contemporaine une gestuelle unique capable de mêler la puissance de la danse kathak comme le lâcher prise de la danse contemporaine.

Les danseurs traversent cette quête de verticalité avec virtuosité. Les corps se lancent dans des joutes vertigineuses. Fluidité, rapidité, étourdissements, chutes, tours incessants, mais aussi recueillement, mouvements communs, toutes ces qualités de danse et de présence accompagnent ce chemin vers la spiritualité.

Akram Khan a cette capacité à créer une force et une puissance collective teintées d’un propos universel. Saluons cette énergie sans cesse renouvelée qu’il déploie pour partager sa quête de sens et son rapport au monde.

Fanny Brancourt – Théâtre des Abbesses, Paris (Avril 2011)

©Richard Haughton