Courts-Circuits, François Verret

Chronique d’un chaos annoncé

François Verret dans son dernier spectacle Courts-Circuits, nous convie à assister à la projection d’un feu aussi effrayant qu’attrayant. Spectateurs du chaos d’un monde, le nôtre. Celui que l’on traverse par bribes, de manière fragmentée sans jamais trop se retourner de peur d’être confronté à ces rôles qui nous sont propres depuis si longtemps : celui du bourreau et de la victime. Pour traduire ce chaos, François Verret, s’est entouré d’une équipe issue de divers univers artistiques et plastiques, que ce soit de la danse, de la musique, du cirque ou encore du cinéma d’animation.

Dans Courts-Circuits, des interprètes incarnent à différents moments, des figures majeures liées au pouvoir, à l’autoritarisme, ainsi qu’à la séduction (Hitler, Marylin Monroe, Napoléon entre autres). Figures majeures d’un monde du tout consommable se consumant inexorablement.

Ce « poème destroy » dont parle le critique Jean-Marc Adolphe à propos du spectacle de François Verret, se matérialise intimement dans le corps des interprètes. Sur un sol mouvant, ou d’épaisses planches déplacées frénétiquement, ou encore derrière des voiles plus ou moins transparents, les corps tentent de trouver l’équilibre. Adoucir la chute, la dompter pour ne jamais s’y résoudre malgré tout. Courts-Circuits mêle à la parole de fameuses personnalités, celle d’êtres humiliés, exclus chaque jour d’un idéal collectif qui ne fait plus sens.

La frénésie submerge le plateau sans cesse à l’image des percussions toujours étonnantes du compositeur Jean-Pierre Drouet. La dénonciation de ce monde en train de ce consumer, manque cependant d’unité. Les ruptures, les fragments, les bribes exposés par le chorégraphe incarnent bien le chaos mais nous laisse cependant sur le côté. Happés par chaque scène (la mise en œuvre plastique y est pour beaucoup, et prend parfois trop de place), on se sent peu à peu moins concernés. Etonnés notamment de l’usage un peu trop appuyé fait des figures « tutélaires » évoquées plus haut. Malgré les grandes qualités des interprètes, ce sont, bien plus qu’un imaginaire, des images qui tentent timidement, au sortir de Courts-Circuits, de s’inscrire en nous.

Fanny Brancourt -Théâtre de la Ville Paris (Novembre 2011)

©Brigitte Enguerrand