Penche, tu es vivant !
Un homme s’avance, sa tête penche. Une lourde tête qui contraint le coude, le dos, le corps tout entier à se plier. Le son de la basse apparaît et l’homme chute. Ce solo d’un homme décousu est celui d’un homme multiple, comme le sont tous les hommes. Un homme qui cherche l’équilibre, la stabilité, le calme puis l’effervescence, tout ce qui le rend vivant.
Pour traverser tous ces états Seydou Boro se fait accompagner et provoquer par cinq musiciens. Ces derniers sont à la fois présents dans l’espace scénique comme danseurs et à la fois présents dans l’espace sonore. Ils nous font voyager dans des univers musicaux variés (fado, salsa, flamenco).
Le souffle (Seydou Boro respire, chante dans un micro), la musique délivrent l’homme, et tentent de le libérer de tout ce qui le contraint, de tout ce qui l’empêche. Les musiciens s’amusent, ils sont cinq face à cet homme, ils peuvent tour à tour lui faire perdre la tête puis lui donner force et puissance et être un homme debout malgré la complexité intérieure. Le corps s’engouffre dans les propositions musicales, il s’en joue. Il cherche à s’exprimer. Le micro est un moyen de libérer le corps. Une voix libre, un corps contraint. Le chant, le souffle exultent et libèrent en partie.
Le concert de l’homme décousu est mélodieux (la musique se révèle avec les pas et le chant du danseur), puis le rythme s’accélère, le chanteur explose tel un Fela convoquant tous les vivants. L’homme est fatigué, il s’est donné, la fatigue apparaît alors. Il cherche le repos. Les musiciens se chargent de le soulager. Ils lui passent une robe rouge. L’homme renaît, sa danse prend les couleurs du flamenco. Et c’est reparti pour d’autres voyages. Les baguettes percussions des musiciens laissent place au groove des ensembles musicaux africains que l’on peut entendre dans les maquis. Seydou Boro nous donne une danse sensible, puissante. La verticale est affirmée malgré les tensions qui l’encombrent.
On ne peut rester impassible. La musique, comme la danse participent ce concert unique. La force est là, dans cette capacité à prendre à bras le corps les choses qui nous entourent. A s’emparer du monde malgré la fragilité qui nous caractérise. Seydou Boro interroge l’intérieur de l’être et sa nécessaire explosion pour être enfin libre. L’homme penche, chute, mais se relève. Il se démène avec ce qui le ronge et ce qui l’émeut.
Fanny Brancourt – Centre National de la Danse (novembre 2009)
©Antoine Tempé