Une scène sur la scène. Tel est l’espace que nous propose Joseph Nadj dans la pièce Sho-bo-gen-zho. Ce sont d’abord les musiciens (Joëlle Léandre à la contrebasse et Akosh Szelevényi au saxophone et percussions) qui apparaissent et rétrécissent de part leur position, l’espace scénique du plateau. Ils prennent place de chaque côté d’un autre rideau de théâtre. C’est ici que vont se jouer toutes les saynètes de Sho-bo-gen-zho. Après les musiciens, c’est au tour des danseurs (Cécile Loyer et Joseph Nadj) d’apparaîtrent. La gheisha et le samouraï surgissent de derrière le rideau et on assiste alors à une sorte de rituel. Il s’agit à mon avis de la seule évocation du Japon auquel le titre de la pièce fait référence : Sho-Bo-Gen-Zo signifie La vraie loi, Trésor de l’oeil.
Les corps comme souvent chez Joseph Nadj et chez Cécile Loyer, sont emprunts de théâtralité. Ils nous offrent une danse qui ne s’inscrit pas dans une forme esthétique où le corps ne dégagerait que de belles choses. Les visages sont autant présents que les corps, ils ne font qu’un. Ce qui n’est pas toujours le cas chez les danseurs contemporains.
Les différents tableaux expriment à chaque fois une histoire que l’on peut lire à la fois de manière individuelle et à la fois comme faisant partie d’un tout. L’espace créé par les musiciens et le décor, sont les lieux communs où s’expriment les corps de ces danseurs. Ils sont reliés par une relation qui s’apparente à une relation de couple. Chacun vit de son côté sa difficulté d’être, ses obsessions, ses explosions et ses retenues. Puis l’homme et la femme se retrouvent pour tenter de partager un bout de chemin, de s’accompagner malgré les obsessions ou les difficultés individuelles. Cette sensation s’exprime aussi avec le couple de musiciens.
Sur scène, nous sommes à la fois face à quatre personnalités, deux couples mais aussi un quatuor. L’espace restreint et ce qui s’y joue, font de nous les spectateurs d’une proximité particulière. Nous partageons l’intime. La pudeur et l’extraversion de chacun s’expriment. Ils deviennent touchants dans la quête qu’ils mènent l’un à côté de l’autre.
Fanny Brancourt – Théâtre de la Ville (Janvier 2010)
©Edvard Molnar