Naissance d’un chorégraphe hip hop
Kader Attou a présenté un de ses petits protégés vendredi 8 février à la Chapelle Fromentin : Artëm Orlov. Le chorégraphe en herbe dévoilait les vingts premières minutes d’À l’intérieur de chez moi. Présentation de l’artiste d’origine russe.
« J’ai toujours eu envie de faire quelque chose d’exceptionnel avec mon corps. Adolescent très physique, je faisais du vélo, de la natation puis j’ai découvert au début des années 2000 le break dance et je ne me suis pas posé de questions : j’ai plongé dedans. » Quand Artëm Orlov, natif d’Iekaterinbourg, lointaine capitale de l’Oural, découvre le hip-hop à 20 ans, il a une révélation : ce sera ça et rien d’autre. À force de travail et de conseils d’amis, il se forge une solide technique mais la Russie, si elle possède d’excellents danseurs hip-hop, ne peut faire vivre ses prodiges.
« La Russie est très investie dans la danse classique et dans une moindre mesure dans la danse contemporaine mais le hip hop n’est pas du tout considéré. Le grand public apprécie voir des prouesses très commerciales digne de « Danse avec les Stars » mais il ne comprend pas que ce genre puisse trouver sa place sur une scène de théâtre. » déplore le danseur qui rapidement a rejoint l’Europe occidentale pour y briller dans sa pléthore de battles internationales.
Des battles au CCN de La Rochelle
De victoires en auditions, le jeune russe se fait un nom jusqu’à ce qu’il intègre la compagnie yonnaise S’Poart dirigée par Mickaël Le Mer. Il se souvient : « En 2010, à l’occasion de l’Année France –Russie, j’ai rejoint le cast de « Na Grani », pièce sombre et froide pour 10 danseurs dont 5 Russes. Ce fut un grand succès que nous avons joue à 80 reprises durant deux ans. »
S’autorisant des collaborations avec d’autres compagnies de renom comme Accrorap, Art Move Concept, Les Associés Crew, Shrikiz ou encore I2A, Artëm grandit artistiquement. « Le hip hop c’est ma vie. Considérez-là comme un culture ou sous-culture, mais pour moi il m’a construit en tant qu’homme et artiste. Au sein de S’Poart j’ai participé à 3 créations puis en 2012, par l’intermédiaire de mon ami danseur Mathieu, j’ai rencontré Kader. » Ce jour-là, la compagnie rochelaise jouait à Bordeaux son Symfonia Piesni Zalosnych : « J’ai beaucoup aimé la pièce. J’ai discuté brièvement avec Kader et quand il m’a revu danser dans son CCN « Na Grani », il m’a proposé de rejoindre La Rochelle. Depuis « The Roots », je suis de toutes ses créations. »
Première création
Mais ce 8 février, dans la Chapelle Fromentin, c’est sa toute première création en gestation qu’Artëm propose aux Rochelais. En dévoilant un aspect de sa personnalité encore inconnu du public, il invite à découvrir son pays natal. À l’intérieur de chez moi présente la force de l’âme du peuple russe, le travail acharné des hommes de son village et leurs coutumes. Après tant d’années de vie à l’extérieur de son pays, le chorégraphe partage avec le public ses heureux souvenirs, à travers la danse hip-hop, avec poésie et émotion.
Enfin tout cela c’est dans la note d’intention car pour l’heure, après seulement 4 jours de répétition, l’œuvre est work in progress de chez work in progress : « On m’a dit que c’était un gros risque de présenter au public cette étape de travail mais je voulais vraiment cette répétition publique. Et j’ai eu raison car les retours qui m’ont été faits ont déjà transformé ma pièce …».
Beaucoup de déclamation de texte en russe, un jeu autour d’un banc de fortune, des fulgurances hip-hop, les vingt premières minutes d’À l’intérieur de chez moi intrigue autant qu’elle déconcerte. « Nous avons filmé cette présentation publique et après visionnage et seulement 48h nous avons déjà énormément bougé les lignes de la pièce. J’ai coupé du texte russe qui peut, je le comprends, déstabiliser le public non russophone. Concernant la danse, je ne souhaite pas être dans la démonstration. Bien souvent, on s’attend à ce qu’une pièce hip hop doit bombarder. Moi je ne l’entends pas ainsi. »
Le jeune chorégraphe souhaite en effet peaufiner son propos artistique pour être le plus crédible possible, pour que sa danse soit la plus habitée. En Russie, ses collègues lui reprochent de ne pas faire de la danse, mais du théâtre, dénigrant le rôle prédominant de l’interprétation sur la pure technique. « Bien souvent ils ne comprennent pas qu’un même pas a plusieurs couleurs. Si tu l’exécutes en mode B-BOY ou en l’interprétant avec plus de profondeur, son relief sera différent mais il reste malgré tout un mouvement dansé. » souligne t-il.
Le 10 mai, sur le plateau des Gémeaux, Scène nationale de Sceaux, sera créé À l’intérieur de chez moi dans le cadre d’un plateau partagé hip-hop à l’initiative de la compagnie Art Move Concept. La pièce tournera ensuite à La Rochelle lors du festival Shake La Rochelle puis au festival Kalypso. Et puis qui sait sans doute qu’un jour Artëm jouera à domicile, en Russie : « J’aimerais tant tourner en Russie avec Kader. La compagnie pourrait en profiter pour faire tout un travail de transmission des pièces du CCN, organiser des master-class. Et moi, je pourrais lancer mon projet personnel, à l’intérieure de chez moi » songe l’artiste. с надеждой
Cédric Chaory
©Facebook Artiste