
En Nouvelle-Aquitaine, de janvier à mars 2025, les scènes nationales et théâtres de la région proposent une programmation chorégraphique et performative intense. Umoove a sélectionné ses 10 coups de cœur de ce début d’année. Direction à La Rochelle, Mérignac, Saint-Médard-en-Jalles, Poitiers, Périgueux, Bordeaux, Gradignan.
Into the Hairy de Sharon Eyal / Les 21 22 janvier à La Coursive, scène nationale La Rochelle
Into the Hairy est une plongée vertigineuse au cœur de nos zones troubles. Cette pièce puissante signée Sharon Eyal et Gai Behar explore l’enchevêtrement des corps et des émotions. En collaboration avec le compositeur britannique Koreless, la chorégraphe délaisse les accents techno pour une matière sonore organique et hypnotique. Sept interprètes évoluent en essaim, entre sensualité vénéneuse et tension politique. Une œuvre sombre, magnétique, reflet troublant de la complexité contemporaine.
The Collective Agreement / Ode to Alice Coltrane d’Alonzo King Lines / Le 24 janvier au Pin Galant Mérignac
Admirateur de Balanchine et nourri par la diversité culturelle, Alonzo King crée des ponts entre tradition et modernité. Sa danse, vibrante, virtuose et sensuelle, dialogue étroitement avec la musique. Ce programme réunit deux pièces majeures du LINES Ballet. Recréé en 2018, The Collective Agreement associe la précision des interprètes, la lumière de Jim Campbell et la partition du pianiste de jazz Jason Moran. Ode to Alice Coltrane, créée en 2024, rend hommage à l’héritage spirituel et musical de l’artiste. Un diptyque libre, puissant et profondément humain.
Borda de Lia Rodrigues / Le 30 janvier au Carré Colones, Scène nationale Saint Médard en Jalles
Après l’élan joyeux d’Encantado, Lia Rodrigues revient avec Borda, création célébrant les 35 ans de sa compagnie installée dans la favela de Maré à Rio. Inspirée par la richesse du mot portugais « borda », à la fois frontière, seuil et imaginaire, la chorégraphe explore des espaces mouvants où les différences se tissent. Neuf interprètes réactivent costumes et objets d’archives pour former une broderie vivante, traversée par le rêve, la métamorphose et la résilience. Une œuvre puissante où les corps déplacent les limites et réinventent l’espoir.
A l’ombre d’un vaste détail, hors tempête de Christian Rizzo / Le 25 fevrier au TAP, Scène nationale Poitiers
Avec À l’ombre d’un vaste détail, hors tempête, Christian Rizzo poursuit sa quête d’une danse organique et sensible. Cette possible pièce épilogue de sa trilogie de l’invisible assemble fragments chorégraphiques et ellipses temporelles pour faire surgir l’inaperçu. Sur un plateau épuré, accompagné du texte de Célia Houdart et du souffle grave de l’orgue, sept interprètes forment une humanité fragile, attentive aux gestes simples et aux silences. Une cérémonie douce et profonde, où la poésie du mouvement rend visible ce qui persiste.
Le Petit B de Marion Muzac / Du 5 au 7 fevrier au Théâtre de Gascogne
Pensé pour la toute petite enfance, Le Petit B invite les très jeunes spectateurs à une expérience sensorielle immersive. Marion Muzac, en collaboration avec la plasticienne Émilie Faïf, imagine un espace en perpétuelle transformation, fait de matières souples, de formes mouvantes et de sons enveloppants. Les danseurs interagissent avec la scénographie, la modifiant par des gestes doux et lents, presque magiques. Inspirée par l’énergie du Boléro de Ravel, cette création offre aux enfants un temps de découverte, de toucher et de contemplation. Une parenthèse délicate à partager.
Annonciation /Un trait / Larmes blanches d’Angelin Preljocaj / Le 28 fevrier à l’Odyssée, Périgueux
Ce programme réunit trois pièces emblématiques d’Angelin Preljocaj, offrant un voyage intense au cœur de son écriture chorégraphique. Du duo Annonciation, à la beauté picturale et charnelle, à Un trait d’union, quête vibrante de l’autre, jusqu’au quatuor troublant de Larmes blanches, se dessinent désir, solitude et rapports de pouvoir. Entre spiritualité, mythe et cruauté sociale dissimulée sous les apparences, Preljocaj explore les zones d’inconfort et révèle, par la danse, la violence et la fragilité des relations humaines.
SSSSSSWELL d’ Annabelle Chambon et Cédric Charron / Le 4 mars à l’OARA Bordeaux
Après Pop Corn Protocole, Annabelle Chambon et Cédric Charron poursuivent leur exploration critique avec SSSSSSSWELL, une performance qui interroge la manipulation des cerveaux à l’ère du bien-être et du complotisme. S’inspirant des pratiques somatiques, des programmes de remise en forme et des mécanismes de l’adhésion collective, le duo dévoile les logiques de séduction, d’aliénation et de marchandisation à l’œuvre. Déclinée pour le théâtre et l’espace public, la pièce brouille les frontières entre spectateurs et adeptes. Une expérience troublante, immersive et résolument politique.
1664 – Hortense Belhôte / Le 11 mars Station marne Campus Victoire Université Bordeaux
À partir de son propre parcours d’étudiante en histoire de l’art, Hortense Belhôte remonte le fil d’une année charnière : 1664. De la fête fastueuse donnée par Fouquet à Vaux-le-Vicomte à l’avènement de l’absolutisme louis-quatorzien, cette date marque un basculement politique, esthétique et symbolique. Fin de l’ivresse baroque, début de la propagande et des dépendances. Entre érudition joyeuse, souvenirs personnels et analyse critique, la performeuse propose une conférence revivifiante : une tentative de désintoxication mentale pour retrouver la liberté, la folie et la joie du XVIIe siècle naissant.
Crocodile de Martin Harriague / Le 12 mars au Théâtre des 4 saisons Gradignan
Quatre ans après Fossile, Martin Harriague revient au duo avec Crocodile, une pièce épurée consacrée à l’amour. Aux côtés de la danseuse Émilie Leriche, le chorégraphe explore le rapprochement de deux corps qui s’observent, s’évitent, s’attirent puis s’accordent. Regards suspendus, gestes précis, tensions et abandons dessinent une relation fragile et mouvante. Loin de toute dramaturgie spectaculaire, Harriague choisit la simplicité pour révéler une écriture sensible et profonde. Crocodile, Grand Prix 2025 du Syndicat de la Critique, touche par son intensité discrète et sa justesse émotionnelle.
Pink Matters de Sine Qua Non Art / Le 26 mars au TAP, Scène nationale Poitiers
Rose sera leur couleur. Pas celle des petites filles sages, mais celle d’un soulèvement punk, queer et tapageur. Cinq voix féminines, autour du public, armées de micros et d’un char d’assaut gonflable rose de Xinhan Yú, scandent, susurrent, rappent et chantent. Sine Qua Non Art signe une performance immersive, hybride et féminine. PINK MATTERS interroge pouvoir, identités et luttes, transformant récits, corps et chants en incantations pour unir, résister et créer une conscience collective face à un monde hybride.
Cédric Chaory
© Lucie Gagneux pour Pink Matters de Sine Qua Non Art
